
Sollicitée par Challenges, j’ai rédigé un article intitulé « Gare aux injustices créées par le régime de retraite universel » . Vous pouvez le lire ci-dessous ou sur le site du Challenges en cliquant ici.
Malgré le contexte social tendu de la rentrée, Emmanuel Macron a confirmé une réforme des retraites en 2019 pour passer à un régime universel à points. Le sentiment des Français que tout le monde n’est pas logé à la même enseigne, et que le système est compliqué, la rend attractive. Mais très vite, les futurs retraités sortiront leur calculette et il y aura des déceptions. A défaut d’une augmentation des pensions, cette réforme ne sera acceptée que si elle ouvre un nouvel horizon social et apporte du progrès. C’est possible, à condition de relever quelques défis.
On peut s’interroger sur la nécessité d’un chantier d’une telle complexité, alors que l’équilibre des régimes de retraite a été rétabli depuis 2016 et que, contrairement aux idées reçues et savamment entretenues, fonctionnaires et salariés du privé perçoivent en moyenne une retraite équivalente par rapport à leur dernier salaire (environ 74-75 %), les règles de calcul plus favorables dans le public étant compensées par la faible prise en compte pour la retraite des primes versées. Le succès de la réforme dépendra donc du sens que lui donnera le gouvernement.
Manoeuvre pour faire des économies
Le principal intérêt d’un système universel est en fait d’être mieux adapté à la réalité des carrières, alors qu’aujourd’hui changer de métier est banal mais pénalisant pour la retraite. Mais pour cela, la poursuite de l’unification des règles suffit, dans le cadre d’une « maison commune » si nécessaire, sans qu’il soit nécessaire d’annoncer un Big Bang. Car la mise en place d’un régime unique risque d’être perçue comme une manoeuvre pour faire des économies si au moins trois grands sujets ne sont pas traités. Le premier est celui de la compensation des perdants, qui peuvent être nombreux comme le montre l’exemple suédois : 92 % des femmes ont perdu à l’instauration du régime par points, et 72 % des hommes, ce qui a été compensé par des retraites complémentaires. Car par-delà les moyennes, des situations très différentes existent au sein de chaque régime : les fonctionnaires sans prime, notamment les enseignants, perdront au change tout comme les salariés du privé à la carrière ascendante ou les femmes aux carrières courtes. Cela suppose que des compensations soient apportées, alors que la marge de manoeuvre budgétaire est réduite et que les « gagnants » de la réforme n’auront pas le sentiment de l’être.
Quelle transition ?
Le deuxième défi est celui des règles de transition : on ne sait rien de la façon dont seront transformés en points les trimestres déjà acquis. La modalité de calcul retenue affectera directement le montant des futures pensions. Seule une réforme progressive peut aplanir ce choc de transition. Et il faut garantir que les points d’aujourd’hui vaudront bien quelque chose demain, sauf à susciter de l’anxiété.
Le risque est donc que le système à points potentiellement plus équitable ne débouche en fait sur de nouvelles injustices. Et que ce soit une réforme purement organisationnelle qui fasse les délices des experts mais soit décevante pour les Français. Or, le changement n’a de sens que s’il améliore leur vie : la réforme de 2014 a troqué l’allongement général de la durée de cotisation contre le départ anticipé des salariés en situation de pénibilité. Aujourd’hui, l’augmentation de la retraite des salariés autour du smic et de nouveaux progrès pour la retraite des femmes seraient des avancées positives.
Marisol Touraine