Interview de Marisol TOURAINE au Parisien

Affaire Lambert : «Peut-être que la loi est trop complexe», confie Marisol Touraine

Marisol Touraine, ancienne ministre de la Santé, est favorable à la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie. LP/Frédéric Dugit

L’ancienne ministre de la Santé estime que la loi Claeys-Leonetti, votée alors qu’elle était au gouvernement, est peut-être trop compliquée et qu’il faut mieux expliquer à la population l’importance des directives anticipées.

Ministre de la Santé au moment où l’affaire Lambert a véritablement éclaté, en 2013, Marisol Touraine siège aujourd’hui au Conseil d’Etat. Si elle se montre prudente, soucieuse de ne pas instrumentaliser cette histoire tragique, elle s’exprime en faveur d’une évolution de la loi sur la fin de vie.

La justice a ordonné la reprise des soins pour Vincent Lambert. Qu’en pensez-vous ? 

MARISOL TOURAINE. Je suis très étonnée que la justice suive la position du comité de l’ONU. Le cadre juridique est pourtant clair et les médecins ont respecté la loi française telle qu’elle existe. Il est désormais souhaitable que la Cour de cassation se prononce. La vérité, c’est qu’il n’y a « d’affaire » Lambert que parce que la famille se déchire. J’ai le sentiment qu’au fond, certains cherchent à faire reculer les limites de la loi, à empêcher son application. Mais je ne juge personne. Je pense à Vincent Lambert. Il a le droit au respect et à la dignité, l’exposition extrême dont il fait l’objet, n’est ni humainement, ni éthiquement satisfaisante. Quant à l’attitude militante de l’avocat des parents, elle m’a choquée. (NDLR : « On a gagné », a-t-il dit, parlant de « remontada »).

Alors ministre de la Santé, vous aviez soutenu Rachel Lambert, l’épouse de Vincent. Est-ce toujours le cas ?

Être au gouvernement n’empêche pas de faire preuve de compassion et d’empathie. Aujourd’hui, je lui exprime à nouveau mon soutien. Ce qu’elle a ressenti lundi soir a dû être terrible. Je le dis en tant que femme, épouse et mère. Quand j’étais ministre, j’ai fait saisir le Conseil d’Etat par l’hôpital de Reims pour que les médecins sachent précisément ce qu’ils avaient le droit de faire ou non. Ensuite j’ai fait évoluer la législation pour introduire la sédation profonde, qui a d’ailleurs été utilisée lundi pour Vincent Lambert. Elle est devenue la loi Claeys-Leonetti. Mais aujourd’hui, peut-être est-elle encore trop complexe.

Faut-il encore faire évoluer la loi ?

Ma conviction, laissons à chacun le choix de sa fin de vie. Je suis pour la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie. Quelle loi, quel dispositif ? Évidemment, la discussion est ouverte. Non ce n’est pas simple, non ce n’est pas banal. La mort, qui est la chose la plus commune, doit garder son caractère singulier. J’insiste, ce débat ne doit pas se faire dans le cadre si tragique de l’affaire Lambert mais dans un contexte serein.

La France doit-elle enfin se positionner ?

Oui, la société le demande, elle est prête. L’acharnement n’est pas une bonne chose. Porter de l’amour à ses proches, c’est parfois savoir les laisser partir. L’affaire Lambert met aussi en lumière la nécessité de rédiger ses directives anticipées, pour faire connaître ses dernières volontés. La mesure doit être mieux expliquée à la population.

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