Un remaniement s’impose

L’affaire Woerth-Bettencourt tourne à l’affaire d’État. Chaque jour apporte son lot de révélations au point que le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, proche du pouvoir, n’a pu éviter l’ouverture d’une enquête préliminaire sur le financement de la campagne présidentielle. Des investigations sont menées par ailleurs pour vérifier les déclarations de l’ancienne comptable de Mme Bettencourt, qui consignait dans des carnets les sommes versées en liquide par le couple de milliardaires.

Dans ce contexte, la droite s’entête et s’obstine à ne pas répondre aux questions posées. Je ne suis pas certaine que cette stratégie soit la bonne. E. Woerth se dit blessé, et à n’en pas douter sa situation est inconfortable. Mais son cas révèle le mélange des genres, entre financements privés et engagements publics,qui est une des marque du quinquennat de N. Sarkozy. Il ne suffit pas de crier au complot pour que les questions posées, qui sont celles de l’opinion publique tout entière, disparaissent d’elles-mêmes. Le pari que les Français, écrasés par la chaleur estivale et tout entiers consacrés à des projets de vacances, oublieront le feuilleton qui les tient aujourd’hui en haleine, est risqué. D’abord parce que les Français ont parfaitement compris que l’homme du Fouquet’s cherchait à gagner du temps, au mépris des intérêts de l’Etat ; ensuite parce que septembre va replacer la réforme des retraites et la mobilisation sociale. sous les feux des projecteurs.

Les critiques contre la presse sont indignes. Parler de méthodes fascistes, comme l’ont fait Xavier Bertrand et Nadine Morano, indécent. Ces déclarations témoignent d’une méconnaissance historique préoccupante -mais c’était déjà le cas, il y a quelques jours, de J.F. Copé parlant de la nuit du 4 août comme d’une infamie en oubliant que c’était l’abolition des privilèges – ou d’une volonté de restreindre les droits de la presse inquiétante. La presse d’investigation cherche des faits, elle les publie. La droite sarkozyste rêve à tel point de maîtriser la presse, de juguler toute indépendance dans ce domaine, qu’elle en vient à tenir des propos délirants sur le sujet.

L’intérêt de l’État commande un vaste remaniement ministériel. La gauche n’a rien à gagner au climat délétère de la période, je l’ai déjà dit, qui ne profite qu’à Marine Le Pen. Les socialistes n’ont aucun intérêt à ce que soient escamotés les débats de fond, au premier rang desquels figure celui sur les retraites. Or, E. Woerth n’est plus en mesure de mener le débat. S’il daigne se prononcer sur les propositions socialistes, au lieu de s’en aller partout répétant que les socialistes n’ont rien à dire, comment ne pas comprendre que son souci de ne pas mettre à contribution les revenus du capital tient à a volonté d’épargner ses riches amis contributeurs de l’UMP, parmi lesquels Mme Bettencourt, ex employeure de son épouse ?

C’est tout le gouvernement qui est atteint. Il n’est plus légitime pour imposer ses choix. La période le démontre à l’envie : fronde des sénateurs UMP contre le projet de loi de réforme des collectivités territoriales ; fronde des députés UMP contre E. Woerth, qui cherchait à introduire a minima un mécanisme de référence syndicale dans les très petites entreprises. Fronde justifiée dans un cas, choquante dans l’autre, puisqu’elle revient à priver les 4 millions de salariés des TPE d’un début de représentation syndicale. Dans les deux cas, ce qui frappe est la faiblesse du gouvernement. Ce n’est jamais bon dans une démocratie.