Sommet social : « un sommet de communication »

Pour la spécialiste des questions sociales, « Sarkozy n’a rien proposé permettant de lutter efficacement contre le chômage » lors de la rencontre d’hier à l’Elysée. Responsable des questions sociales dans l’équipe de campagne de François Hollande, Marisol Touraine revient sur le sommet de crise qui restera, pour elle, une « gesticulation de campagne » de Nicolas Sarkozy.

Ce sommet a-t-il été « la gesticulation de campagne » que vous annonciez ?
Compte tenu de la maigreur des résultats, ce sommet n’avait pas d’autre objectif que d’être une opération de campagne. Les mesures annoncées sur l’emploi sont extrêmement limitées et il faut, sans doute, s’attendre à des mesures moins favorables présentées à la fin du mois par Nicolas Sarkozy. C’est une opération qui était, au départ, destinée à montrer la détermination du gouvernement à lutter contre le chômage. Elle se termine en opération de communication.

On a tout de même annoncé un plan d’urgence de 450 millions d’euros pour l’emploi.
Quatre cent cinquante millions d’euros pour l’emploi aujourd’hui, deux milliards d’euros de diminution de l’impôt de solidarité sur la fortune l’année dernière. On voit les priorités de Nicolas Sarkozy. Ce n’est pas comme cela que l’on pourra lutter efficacement et durablement contre le chômage.

Approuvez-vous les six mois de suppression de charges pour l’embauche des jeunes de moins de 26 ans dans les TPE ?
C’est une mesure qui semble s’inspirer du contrat de génération préconisé par François Hollande. Il propose qu’on puisse embaucher des jeunes avec une exonération de cotisations, mais à taux constant. Tout ce qui peut être entrepris pour embaucher les jeunes et les seniors doit être fait mais, une fois encore, on ne voit pas la perspective d’ensemble et la vigueur du plan de Nicolas Sarkozy.

Mille salariés de plus à Pôle Emploi, c’est une bonne nouvelle ?
Cette mesure est d’autant plus utile que mille huit cents postes ont été supprimés l’année dernière. Pour accompagner les chômeurs, on a besoin de formateurs et de personnels à Pôle Emploi. La politique suivie jusqu’à maintenant a été une politique de réduction des effectifs. C’est un premier rattrapage. Il en faudra davantage.

Les personnes au chômage depuis deux ans seront formées et conduites à accepter une proposition d’emploi. Est-ce réaliste ?
Je voudrais que Nicolas Sarkozy nous dise quelle mesure magique il va annoncer pour créer les emplois qui permettront aux chômeurs d’être embauchés. Si le discours consiste à faire croire qu’on est chômeur parce qu’on ne veut pas travailler, je voudrais tout de même rappeler la réalité et dire qu’ici, ceux qui veulent travailler ne trouvent pas d’emploi ! Il faut effectivement former pour qu’il y ait une meilleure adéquation entre l’offre et la demande, mais il ne suffira pas de décréter que les chômeurs devront accepter les emplois proposés pour que des emplois leur soient proposés.

Pensez-vous que Nicolas Sarkozy officialisera la TVA sociale et la flexibilité du temps de travail ?
Depuis des semaines, il explique qu’il faut augmenter la TVA et flexibiliser les contrats de travail. S’il recule, j’en serai satisfaite. Mais je crains que la potion ne soit amère à la fin du mois.

Doit-on s’attendre à de nouvelles remises en cause des 35 heures et la 5e semaine de congés ?
Ces derniers jours, on a assisté à un véritable festival de propositions antisociales : remise en cause de la cinquième semaine de congés payés, trente-sept heures payées trente-cinq. Manifestement, il y a une volonté de faire en sorte que les salariés soient amenés à travailler plus longtemps sans être payés davantage. C’est le contraire de tout ce qui avait été annoncé jusqu’à maintenant mais il me semble que c’est la logique du fameux contrat « compétitivité-emploi » évoqué ces derniers jours.

Fallait-il que les syndicats participent à ce sommet ?
Ils ont eu une démarche de responsabilité. Ils avaient souhaité un sommet à l’automne qui leur a été refusé. Ils n’en souhaitaient pas aujourd’hui mais on leur en a imposé un. Ils s’y sont rendus pour faire entendre leur désaccord et leurs revendications. Ils ne seront sans doute pas écoutés mais la politique de la chaise vide est rarement utile.

PROPOS RECUEILLIS PAR ANDRÉ FOURNON