Décret sur les retraites – Interview de Marisol TOURAINE

Vous trouverez ci-dessous l’interview de Marisol TOURAINE publiée dans le Parisien du Jeudi 7 juin 2012. La ministre des Affaires sociales et de la Santé revient sur le décret « Retraites » qui rétablit partiellement le droit à la retraite à 60 ans.

L’engagement de campagne de François HOLLANDE de rétablir partiellement le droit à la retraite à 60 ans sera tenu. Hier, le dispositif  a été présenté en Conseil des ministres. Explications de Marisol TOURAINE, ministre des Affaires sociales.

Cette réforme, qui rétablit partiellement le départ en retraite à 60 ans, ne risque-t-elle pas de faire des déçus?
C’est une grande avancée, conforme à ce qui a été annoncé pendant la campagne. Il s’agit de corriger les injustices les plus fortes de la réforme Fillon, qui pénalisait ceux qui ont commencé à travailler jeunes, à 18 ans ou 19 ans. Demain, ils pourront prendre leur retraite à 60 ans s’ils totalisent 41 années de cotisations. Pour les personnes qui ont des carrières accidentées, nous avons décidé de prendre en compte dans le calcul deux trimestres de chômage supplémentaires. J’ai souhaité aussi qu’une mesure puisse être prise en faveur des mères de famille qui travaillent, en intégrant aussi deux trimestres supplémentaires au titre des congés de maternité.

Combien de personnes sont concernées et pour quel coût?
Au moins 110000 personnes. Cela va coûter 1,1 Md€ la première année et 3 Mds€ en 2017 au lieu des 5 Mds€ prévus. La mesure sera totalement financée par une hausse des cotisations des employeurs et des salariés, de 0,1% en 2013 et seulement de 0,25% en 2017.

Si la mesure coûte moins cher que prévu, pourquoi ne pas avoir fait un geste plus conséquent?
Nous avons une exigence de responsabilité, celle de ne pas alourdir la barque aujourd’hui, sans savoir ce que sera la situation demain.

Mais les syndicats restent sur leur faim…
Je les ai tous rencontrés. Tous m’ont dit que c’était une mesure importante. Ils ont souhaité qu’on puisse aller au-delà. Nous les avons entendus et avons complété notre proposition initiale.

La droite vous reproche d’avoir court-circuité le Parlement?
Mais le débat a eu lieu pendant la campagne présidentielle. Cette mesure a été présentée dès fin 2011. Elle a donné lieu à des déluges d’articles, à des affrontements politiques. Le débat a été tranché le 6 mai.

Quel est l’impact de la hausse de cotisation en termes de pouvoir d’achat?
Pour un salarié au smic, la hausse représentera 1,40 € par mois la première année et 3,40 € en 2017. Pour un salaire de 1600 € net mensuel, cela fait 2 € par mois la première année et 5 € en 2017. Cela me paraît raisonnable.

Laurence Parisot s’inquiète des conséquences sur les régimes de retraite complémentaires…
La mesure coûte moins cher que prévu en 2017 et nous augmenterons les cotisations moins que prévu. Laurence Parisot devrait s’en réjouir. Les régimes complémentaires vont devoir ouvrir des discussions. Il appartiendra au Medef de savoir s’il veut bloquer l’application de la réforme. Mais je ne l’imagine pas. Laurence Parisot m’a dit à plusieurs reprises qu’elle considérait que la mesure avait été adoptée et validée par les Français le 6 mai.

Vous corrigez les injustices, mais cela ne règle pas tous les problèmes…
Nous avons dit que nous procéderions en deux temps. Le premier, c’est aujourd’hui. Le deuxième, consacré aux discussions sur l’avenir de notre système de retraite, s’engagera lors de la conférence sociale de la mi-juillet, afin de définir la méthode et le calendrier. C’est d’autant plus nécessaire que la réforme Woerth-Fillon n’est pas financée. Un audit des finances publiques devrait le confirmer dans quelques semaines. A l’évidence, le gouvernement précédent a surestimé les économies qu’il prétendait avoir réalisées. Je mettrai tous les sujets sur la table, par exemple la situation des femmes ou la pénibilité mais aussi les données financières. Avec un double souci de justice et de responsabilité.

Le PS promettait il y a un an le retour à 60 ans. C’est du passé?
Aujourd’hui, il s’agit de corriger une injustice. Et pour moi, la justice, c’est de ne pas traiter tout le monde de la même façon, mais de faire en sorte que ceux qui ont eu des carrières plus difficiles ou qui ont commencé plus tôt que les autres bénéficient de mesures plus favorables.