Marisol TOURAINE : « La lutte contre les déserts médicaux sera l’une des priorités du quinquennat »

Vous trouverez ci-dessous une interview de Marisol TOURAINE, ministre des Affaires sociales et de la Santé, publiée dans La Voix du Nord au sujet des premiers chantiers sanitaires que la ministre souhaite conduire.

Marisol Touraine, ministre de la Santé, nous a accordé sa première interview pour évoquer les préconisations de l’ordre des médecins et sa vision de la région, en attendant ses premières mesures.

Quels sont vos premiers chantiers sanitaires ?
J’ai ouvert plusieurs chantiers dès ma prise de fonction. Le premier, c’est celui de la reconnaissance du service public hospitalier auquel les Français sont viscéralement attachés. Ces dernières années, l’hôpital a été géré comme une entreprise. Je mettrai un terme à cette logique qui place sous une pression permanente les personnels de santé.

Le second engagement, c’est la volonté du gouvernement d’encadrer les dépassements d’honoraires. Trop d’excès ont été constatés dans ce domaine. La santé, c’est le bien le plus précieux. Personne ne devrait renoncer à se soigner faute de moyens suffisants. Je constate d’ailleurs que sur cette question de l’encadrement des dépassements d’honoraires, l’ordre des médecins lui-même partage mon diagnostic.

Depuis des années, « La Voix du Nord » enquête sur l’état sanitaire de la région. Le constat est accablant. Êtes-vous favorable à un plan de rattrapage ?
Le fait que l’on puisse être mieux soigné sur la Côte d’Azur que dans le nord de la France est insupportable. Pour moi, l’égalité d’accès aux soins sur tout le territoire national n’est pas négociable. La lutte contre les déserts médicaux sera l’une des priorités du quinquennat. Le président de la République s’est d’ailleurs engagé très précisément : chaque Français devra accéder aux soins d’urgence en moins de trente minutes. Nous tiendrons évidemment compte des spécificités de chaque région dans les politiques qui seront conduites. Il y a des politiques ciblées à mener, notamment sanitaires et de prévention des comportements à risques. C’est en nous appuyant sur l’expertise des professionnels locaux de santé et des élus que nous trouverons les solutions les plus efficaces. Tout ne peut pas être décidé de Paris dans ce domaine.

L’ordre des médecins préconise des mesures contraignantes pour lutter contre les déserts médicaux. Qu’en pensez-vous ? François Hollande ne l’avait pas proposé…
Nous ne sommes pas sur cette ligne-là. La première étape, c’est la discussion avec les médecins. L’objectif est clair : il faut qu’il y ait des médecins accessibles dans des délais et à un coût raisonnables sur tout le territoire. C’est ce que j’ai rappelé aux représentants des syndicats de médecins que j’ai commencé à recevoir. J’ai également évoqué avec eux les incitations que nous pourrions mettre en place afin de faciliter les implantations dans les zones difficiles.

L’incitation a ses limites. Dans la région, les retombées se font attendre…
La vraie incitation n’a jamais été faite. Je ne vous parle pas d’incitations financières. Je vous parle des conditions d’exercice, des changements dans les modes de rémunération, de la mise en place systématique de lieux pluridisciplinaires d’exercice.

Plus largement, n’est-il pas choquant de continuer de conventionner des médecins dans des régions déjà surdotées. C’est de l’argent public…

Le président de la République l’a dit : nous limiterons les installations des professionnels en secteur 2 (où les tarifs pratiqués par les médecins sont libres) dans les zones surdotées. Mais cette mesure ne suffit pas à elle seule à résoudre le problème d’une meilleure répartition des médecins sur tout le territoire. Il nous faut une politique globale et cohérente. Je ne montre personne du doigt et je ne cherche pas de boucs émissaires. Je veux faire le pari de la confiance et du dialogue responsable avec les professionnels.

Pour autant, l’égalité des Français pour l’accès aux soins est un droit. Peut-on laisser des habitants être moins bien traités dans la région qu’ailleurs ?
La réponse est évidemment non. Mais ce n’est pas en brandissant la menace que nous trouverons des solutions durables. Taper du poing sur la table permet sûrement d’éphémères succès de tribune, mais ça ne fait progresser personne. Ce n’est pas en provoquant inutilement les professionnels de santé que nous réussirons… Je défends un réformisme concret, ancré dans le réel et dans la vie quotidienne des Français. La seule chose qui compte pour moi, c’est que nous avancions.