Marisol Touraine : « Médecins et hôpitaux doivent travailler ensemble »

Retrouvez ci-dessous une interview de Marisol TOURAINE publiée dans Nice-Matin. La ministre des Affaires sociales et de la Santé a répondu aux questions de Christian Huault.

C’est l’un des ministres les plus importants du dispositif gouvernemental. Marisol Touraine viendra clore ce samedi midi les travaux du 6e Congrès de médecine générale de Nice. L’occasion pour elle de présenter la politique de santé qu’elle compte mettre en place mais aussi d’évoquer pour le Groupe Nice-Matin, les premières semaines de la gauche au pouvoir.

Quel message venez-vous adresser aux médecins généralistes de France ?
Je veux leur dire qu’ils sont le socle, le pivot de notre système de santé. Ils sont au contact de la vie quotidienne des Français. Je veux m’appuyer sur les médecins de proximité pour faire évoluer notre système de soin vers plus d’égalité, plus de qualité. Quel est l’enjeu ? C’est de donner plus de place à la prévention, de réduire les difficultés d’accès aux soins dans certains secteurs géographiques et de mieux prendre en charge les malades chroniques et le vieillissement de la population. Face à ces défis, les généralistes seront les acteurs principaux de la politique que je veux mener.

Le Premier ministre pourrait annoncer le non-remplacement de deux fonctionnaires sur trois, sauf dans l’éducation, la sécurité et la justice. La santé sera-t-elle sacrifiée sur l’autel de la réduction des dépenses publiques ?
Non, elle ne le sera pas. La fonction publique hospitalière a été mise à mal au cours des dernières années. Les conditions de travail des personnels soignants et non soignants doivent être améliorées. Je constate qu’il y a des postes emplois, par exemple d’infirmières, vacants à l’hôpital. La mise en place d’un nouveau pacte social à l’hôpital fait partie de mes priorités.

Quelle disposition comptez-vous prendre concernant l’encadrement des dépassements d’honoraires ?
Les gouvernements précédents ont laissé déraper les tarifs médicaux et il n’est pas acceptable qu’en France on puisse renoncer à se soigner parce qu’on n’en a pas les moyens. A ma demande, les syndicats de médecin et l’assurance-maladie vont engager des négociations sur ce sujet dès la mi-juillet.

Dans les grandes villes, la permanence des soins est de moins en moins assurée avec de lourdes conséquences sur l’engorgement des services d’urgences…
Il est parfois difficile de contacter un généraliste la nuit ou le week-end. Et certaines personnes vont directement aux urgences pour ne pas avoir à avancer de frais. Du coup, l’attente aux urgences peut être très longue. Il faut faire travailler ensemble l’hôpital et les médecins de proximité. Je souhaite aussi que l’on facilite l’accès au tiers-payant, c’est-à-dire que les patients n’aient pas à avancer de frais, chez le généraliste. Enfin il faut favoriser les cabinets, regroupant plusieurs médecins, qui permettent d’avoir des horaires d’ouverture plus larges.

Tous les ministres de la Santé ont buté sur la désertification médicale. Vous avez une recette miracle ?
Il n’y a pas de recette miracle mais il existe des solutions. Et je le dis aux professionnels, je ne procéderai pas par la contrainte, en leur imposant leur lieu d’installation. Mais l’objectif est de garantir à tous les Français de pouvoir se soigner et trouver un professionnel de santé à proximité. Cela n’est pas négociable. Nous devons travailler avec les médecins pour répondre à leurs attentes, par exemple en facilitant les tâches administratives. De plus on sait que les jeunes médecins préfèrent le travail en équipe. Il faut donc, avec les élus locaux, aller en ce sens.

Le dossier de la maternité de La Seyne-sur-Mer, dans le Var, fermée depuis plusieurs mois, a-t-il une chance d’être rouvert ?
Il faut que la concertation engagée par l’Agence régionale de santé se poursuive avec les élus locaux et que l’on fasse en sorte qu’il y ait à La Seyne un établissement qui constitue une réelle attractivité pour le territoire.

L’Union nationale des associations familiales tient son AG ce week-end à Toulon. Quelles sont les idées forces de la politique familiale que vous comptez mener ?
L’UNAF est un partenaire essentiel pour le gouvernement. C’est Dominique Bertinotti, ministre déléguée à la Famille, qui sera à Toulon. La famille est au cœur des valeurs dans lesquelles se retrouvent les Français. Et s’est d’ailleurs retrouvée au cœur des premières mesures prises par le gouvernement notamment avec l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire. Mais aussi avec la prise en compte, à ma demande, de deux trimestres maternité dans le calcul de la retraite des femmes qui ont commencé à travailler jeunes et qui ont cotisé 41 ans.

Avec sa victoire aux législatives, la gauche a aujourd’hui tous les pouvoirs…
Les Français ont fait le choix de la cohérence. Je ne comprends pas le discours de la droite sur l’accumulation des pouvoirs : ce sont les Français qui se sont exprimés. Dimanche dernier, ils ont manifesté leur confiance dans les premières mesures prises par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault et leur attente d’un changement concret. Ces élections ont confirmé l’adhésion des Français au projet présidentiel de François Hollande et permettent aujourd’hui sa mise en application.

L’échec de Ségolène Royal, le tweet de Valérie Trierweiler : premiers couacs dans l’état de grâce post-présidentiel ?
Je ne crois pas. les élections sont passées par là ; elles ont montré que les Français s’attachent à l’essentiel. Je regrette la défaite de Ségolène Royal. Quant au tweet de Mme Trierweiler, je crois que c’était un message privé et dont elle n’a pas mesuré l’impact. Elle l’a elle-même reconnu, mais je crois que cette page-là est tournée.

La mise en place par décret d’une mesure d’élargissement des possibilités de départ à la retraite à 60 ans, est-elle le premier pas d’un dispositif plus large ?
C’est une mesure que François Hollande avait annoncée pendant la campagne électorale. Une mesure de justice qui concerne ceux qui ont commencé à travailler jeune. Au-delà, il nous faut faire évoluer notre système de retraite dans le double esprit de la responsabilité et de la justice. Ce travail-là, nous allons l’engager avec les partenaires sociaux dès la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet.

Qu’attendez-vous de ce rendez-vous ?
Que nous définissions un calendrier, un agenda social, une manière de travailler et que nous lancions certains travaux importants comme évidemment l’avenir des retraites, mais aussi celui de notre système de santé ou le mode de financement de la protection sociale.

Quelle ampleur pour le coup de pouce au Smic promis avant la fin du mois ?
Il faut une augmentation qui soit juste et raisonnée. À la fois un coup de pouce au pouvoir d’achat, mais qui doit aussi être respectueux de la situation des entreprises. Le ministère du Travail fera prochainement une proposition après avoir réuni un groupe d’experts.

Christian Huault