Discours de Marisol TOURAINE à la Fête de la Rose de Frangy-en-Bresse

Marisol TOURAINE était l’invitée, dimanche 19 août, de la Fête de la Rose de Frangy-en-Bresse.

Vous pouvez lire ci-dessous le discours qu’elle a prononcé à cette occasion – seul le prononcé fait foi.

Vous pouvez télécharger le discours en cliquant ici.

«  Chers amis, chers camarades,

Merci à Jérôme Durain, merci à vous tous.

Quelle joie d’être parmi vous aujourd’hui à la fête de la rose de Frangy en Bresse. « Frangy », pour les habitués. Frangy qui fête cette année sa 40ème édition. Et quelle édition !

Un président de la République de gauche !

Cinq députés socialistes en Saône et Loire ! Le grand chelem, rien de moins ! Et je salue chacun d’entre eux.

Deux femmes, Cécile et Edith, qui vous représentent pour la première fois au Parlement !

Et je n’oublie pas l’homme du cru, Arnaud, qui vous a quittés député et vous est revenu ministre !

Pour certains, les réunions politiques se font en catimini, à l’écart. Elles sont l’affaire des états-majors. Pour nous, elles se font en pleine lumière, avec vous, à Frangy. Avec au menu du jour du poulet, de Bresse, évidemment, le ban bourguignon désormais célèbre dans toute la France, et des échanges, des discussions…et beaucoup de simplicité !

Quel succès pour cette rencontre lancée par Pierre Joxe !

Quand on lui demandait : « Mais Frangy, c’est près d’où ? ». Il répondait : « Frangy, c’est loin de tout ». Loin de tout ? Pas pour moi en tout cas, qui suis venue ici en voisine puisque comme chaque été, c’est en plein cœur de la Bourgogne que je suis venue me reposer, loin de l’agitation parisienne.

Mais la Bourgogne ne se résume pas pour moi à un lieu de vacances….je la pratique au quotidien. Ou plutôt, elle m’entoure au quotidien ! La Bourgogne, et en particulier la Saône et Loire.

Mon directeur de cabinet a été en poste à la préfecture de Mâcon.

Ma directrice adjointe de cabinet a fréquenté les bancs de l’école de Saint Germain du Plain.

Un de mes officiers de sécurité part retrouver sa famille près de Montceau-Les-Mines quand il n’est pas à mes côtés.

Et mon conseiller politique, qui a grandi ici, est un jeune élu de Chalon sur Saône.

Vous l’aurez compris, avec une telle équipe, il ne se passe pas une semaine sans qu’on me parle de la Saône et Loire. Alors, quand Arnaud m’a proposé de venir passer la journée avec vous, je n’ai pas eu le choix !

Mais c’est aussi par amitié pour Arnaud que je suis venue. C’est une personnalité atypique au parti socialiste. Le titre de son dernier ouvrage résume joliment son engagement : « Des idées et des rêves ! »… Des idées, il n’a cessé d’en proposer, inlassable défenseur de la rénovation de nos pratiques politiques. Parfois provocateur, reconnaissons-le, mais toujours solide dans ses convictions. Des rêves, il en a de grands pour notre pays.

Vous le savez, Arnaud et moi, nous n’avons pas toujours défendu les mêmes idées au sein du parti socialiste. Et je ne parle pas là des bagarres de courants, souvent délétères, rarement utiles. Je parle des vrais débats de fond. De ceux qui font l’honneur de la gauche. Nos histoires sont différentes, nos combats l’ont souvent été, nos façons d’être aussi tout comme nos manières de regarder le monde. Mais la force de la gauche est de savoir additionner ces histoires, ces cultures, ces expériences différentes. C’est lorsqu’elle accepte sa propre diversité que la gauche est forte. C’est lorsqu’elle accepte de travailler a la transformation concrète de notre société qu’elle est grande. Sinon, elle s’affaiblit et, dans le passé récent, à trop vouloir décerner des brevets de vraie gauche, elle perd le cap du changement, et il lui arrive parfois de se perdre.

Si nous avons eu nos différences, avec Arnaud, et si nous en avons sans doute encore, nous partageons aussi beaucoup. L’évidence est que nous sommes ensemble engagés pour le succès du gouvernement, du projet porté par le président de la République. J’y reviendrai.

Mais de façon plus personnelle, nous sommes tous les deux conseillers généraux de départements en partie ruraux. Nous avons même été les présidents de nos conseils généraux, nous connaissons le rôle décisif de cette institution. Présidents de conseils généraux, nous ne le sommes plus. Et je suis heureuse de saluer ici le jeune successeur d’Arnaud à la tête du département, Rémi Chaintron. Comment concevoir le renforcement de la décentralisation si les responsabilités gouvernementales et d’exécutif local se mêlent ? Le cumul des mandats est une histoire française, c’est vrai, mais liée à la faiblesse très française aussi bien des institutions locales que du Parlement. La rénovation des institutions voulue par le Président de la République, réaffirmée par le Premier ministre, passe par le renforcement des pouvoirs du Parlement et un nouvel acte de décentralisation. Elle impose alors que la loi fixe de nouvelles règles en matière de cumul des mandats.

Je veux saluer Cécile Untermaier, nouvelle députée de la Bresse. Les pronostics ne te donnaient pas favorite face à ton adversaire…et pourtant tu es allée chercher la victoire. 379 voix d’écart ! Ton succès n’en est que plus beau ! Cela nous fait aussi un point commun. Elue députée de l’Indre-et-Loire en 1997, j’ai perdu ma circonscription en 2002 avant de la reconquérir en 2007 avec seulement 251 voix d’avance.

Nous ne sommes pas les héritières de fiefs politiques imperdables, qui sont d’ailleurs souvent réservés aux hommes ! Nous connaissons les campagnes électorales implacables où rien n’est épargné, en particulier lorsque l’on est une femme. Être une femme ne garantit rien, ne prémunît contre rien, ce n’est ni un label de vertu ni un diplôme de compétence !  Mais être un homme non plus !

C’est Françoise Giroud qui disait que l’égalité serait réalisée le jour où « des femmes incompétentes seraient nommées à des postes de responsabilité ». Je ne suis pas certaine que nous en soyons là, et la vérité est qu’on ramasse encore à la pelle les hommes qui ne comprennent pas que les femmes aient envie non seulement de s’engager mais aussi de conquérir, de gagner, et d’exercer des responsabilités.

La responsabilité des femmes politiques n’est pas seulement celle de l’égalité en politique, elle est de montrer qu’il n’y a plus de domaine réservé, que les femmes doivent oser. Oser s’engager. Oser s’affirmer. Oser revendiquer.

Ce qui nous rassemble ici, c’est la volonté de faire réussir la gauche, après l’avoir fait gagner.

Qu’elle a été belle, la victoire du 6 mai ! Je n’ai pas de fausse pudeur à le dire, à le revendiquer : François Hollande a su rompre la fatalité de l’échec, il a su nous faire renouer avec l’espoir, l’espoir de nouvelles conquêtes, de nouvelles libertés, d’une justice renouvelée.

Qu’elle a été grande, cette victoire, et elle n’est pas si ancienne qu’on ne puisse encore la célébrer ! 10 ans de conservatismes et de régressions, 10 ans d’égoïsmes et de tensions, 10 ans d’occasions manquées et il nous faudrait, comme ça, ravaler notre joie et, déjà, oublier le sens de la victoire ?

Parce qu’à entendre la droite, il nous faudrait remiser tout cela au rayon des accessoires superflus, comme si cette victoire était un accident de parcours qu’il fallait bien vite oublier ! Alors on nous entonne l’air de la déception : le changement n’irait pas assez vite, pas assez fort, et c’est assez drôle d’entendre les Fillon, Copé, Estrosi et compagnie sommer le gouvernement de tenir ses engagements de campagne ! Engagements qu’ils traitaient par le mépris, il y a quelques semaines à peine.

Je veux les rassurer, ces Messieurs de la droite, droite populaire, droite forte, droite sociale, droite que sais-je encore, mais droite quoi qu’il arrive ! Je veux les rassurer : nos engagements, nous les tenons ! Nos engagements, nous les tiendrons, car ne leur en déplaise nous avons bien l’intention de continuer ! Ils ont tant l’habitude des promesses non tenues, des engagements sans lendemain, qu’ils n’imaginent pas un instant que, sereinement mais fortement, nous fassions ce pour quoi les Français nous ont élus !

Elle n’est pas à une contradiction près, cette droite désormais sans boussole, rivalisant dans l’allégeance à l’ancien président avec le même empressement qu’elle mettait, il y a quelques semaines, à lui imputer sa défaite ! Elle n’avait pas de mots assez durs pour son candidat, au point d’en écrire des livres et des romans, et aujourd’hui, empêtrée dans une guerre des chefs façon secret story, elle multiplie les mots doux à son endroit ! Il faut dire, qu’à ce pathétique radio crochet de la politique, ils ont déjà tous perdu : leur secret, il n’est même pas de polichinelle, ils veulent tous devenir président en 2017 !

Et donc, comme elle n’est pas à une contradiction près, cette droite plus préoccupée d’elle-même que des Français, les mêmes qui nous enjoignent de respecter nos engagements nous accusent de défaire ce qu’ils ont fait. Nous serions, chuchotent-ils, antisarkozystes ! La belle affaire !

Mais je vous le dis, moi, il y avait urgence à se défaire de N. Sarkozy et de la droite ! Il y avait urgence à changer de politique. Et vous me permettrez de la trouver un peu gonflée, cette droite ! Oui, si nous avons gagné face à l’arrogance d’une droite toujours sûre d’elle même, de son bon droit, qui n’admet pas que le pouvoir lui échappe, c’est bien pour changer de cap !

La gauche n’a pas gagne par « effraction », pour reprendre l’expression d’un des siens, elle a gagné sur un mot d’ordre : la transformation.

Nos opposants peuvent bien nous avoir accusés tout l’été de « détricoter le sarkozysme ». Chers amis, 100 jours ne suffiraient pas à effacer l’action de celui qui a détricoté la France. Mais oui, depuis trois mois, nous avons engagé la transformation du pays. Le changement est en marche, n’en déplaise aux esprits chagrins.

100 jours c’est devenu une obsession !

Il n’y a pas les 100 jours et puis plus rien, ou 100 jours et un changement de cap soudain…il y a 1800 jours d’une présidence de gauche, 1800 jours d’un gouvernement de gauche, 1800 jours d’un Parlement de gauche !

Quand je regarde ce que nous avons accompli en trois mois, je comprends que, pour les défenseurs de la droite Rolex, 100 jours ce soit déjà trop ! Imaginez…100 jours de justice sociale pour répondre aux aspirations des Français.

100 jours pour la justice fiscale ! En supprimant la TVA soi- disant sociale, nous avons rendu 10 milliards d’euros aux Français. 400 euros nets par foyer ! Pensez que la droite avait poussé le vice jusqu’à faire publier l’augmentation de la TVA le jour même du second tour de l’élection présidentielle ! La justice fiscale, c’est aussi la  fin de l’indécence avec la mise à contribution des plus hauts revenus pour redresser notre pays et le rétablissement à un juste niveau de l’ISF.

100 jours pour le pouvoir d’achat ! En seulement 3 mois, nous avons fait plus que le président autoproclamé du pouvoir d’achat en 5 ans. La semaine prochaine, sera versée l’allocation de rentrée scolaire à 3 millions de familles, c’est de ma responsabilité ministérielle.  Et elle va augmenter de 25 %. Concrètement, ce sont 5 millions d’enfants qui vont en profiter, et qui peut dire que pour une famille de deux collégiens, recevoir  750 €, 150 de plus que l’année dernière, est sans importance au moment de remplir les charriots de cartables, de joggings et de cahiers ?

100 jours pour nos retraites ! C’est le retour à la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé tôt, pour ceux qui ont eu des métiers difficiles et qui ont toutes leurs années de cotisation. La droite passe son temps à nous donner des leçons de bon sens…le bon sens, c’est que lorsque les parcours professionnels sont divers, les conditions de départ en retraite doivent l’être elles aussi ! C’est une conviction profonde et j’assume avec fierté d’avoir pris ce décret qui permet notamment à des mères de famille ayant continué à travailler de pouvoir s’arrêter plus tôt.

100 jours pour le dialogue social ! La grande conférence sociale a permis de faire en quelques semaines ce que nos prédécesseurs n’avaient pas fait en cinq ans : mettre autour d’une table tous les partenaires sociaux et jeter les bases d’un nouveau compromis social français. Tous les sujets ont été débattus sans exclusive. La feuille de route est exigeante. Mais la démarche est tellement nouvelle que l’ensemble des partenaires sociaux, y compris le Medef, s’est félicité de l’initiative. Je vous rassure, le Medef s’est seulement félicité de l’initiative…moins des résultats ! Mais ne désespérons pas de le convaincre !

100 jours pour le logement ! Depuis le 1er août, les loyers privés sont enfin encadrés dans 38 agglomérations alors que nous sommes le seul pays qui, en période de crise, voit le montant des loyers augmenter !  100 jours pour l’école aussi, puisque pour la première fois depuis bien longtemps, la rentrée scolaire s’accompagnera de créations de postes, avec le recrutement de 1000 enseignants, et de 1500 auxiliaires de vie scolaire individualisés pour les enfants en situation de handicap.

100 jours durant lesquels nous avons montré que nous pouvions être humanistes et responsables. Aucun discours, aucun argument ne pourra jamais légitimer l’instauration à la fois honteuse et absurde décidée par nos prédécesseurs d’un droit de timbre de 30 € pour l’accès à l’aide médicale d’Etat. Rien ne nous aura été épargné dans ce débat ! Les pires caricatures, les vieux clichés, les raccourcis malhonnêtes. Mais de quoi s’agit-il ? Pas de générosité, même si elle n’est pas interdite à l’égard des plus vulnérables. Il s’agit simplement de précaution et de prévention. Prévention de maladies plus graves, plus contagieuses, et au final plus coûteuses. Il n’est pas défendu d’être humaniste quand, en plus, cela sert la santé publique.

Et je pourrais vous parler, encore, de la lutte acharnée contre les plans sociaux, du plafonnement des rémunérations des dirigeants d’entreprises publiques, de l’engagement du rééquilibrage des comptes publics.

Chers amis, je vous le dis, aux certitudes rabâchées de la droite bourgeoise bien-pensante, nous devons sans complexe affirmer l’exigence d’un nouveau cap, d’une transformation profonde de la société. La droite n’aime la gauche que quand elle est de droite. Il va falloir que la droite s’habitue à une gauche de progrès, une gauche assumée qui ne cherche ni a entonner l’air de la rupture ni à réinventer la social démocratie du 20ème siècle mais à concrétiser le changement et le réformisme social dont ce début de siècle à besoin.

La victoire de la gauche, c’est la fin de la République des privilèges et la reconnaissance du travail, de l’effort, du mérite. La victoire de la gauche, c’est l’exigence de progrès, de justice, c’est la quête incessante de l’égalité.

Et c’est le sens de notre action, le cap fixé par le Président de la République, celui du redressement dans la justice.

Toutes les mesures qui ont été entreprises, tous les changements engagés, ne sont pas destinés à rester sans lendemain, ils s’inscrivent dans la volonté obstinée de redresser notre pays.

Ce n’est pas s’exonérer de nos responsabilités, celles qui nous incombent désormais, que de dire qu’il était temps d’enrayer le toboggan du déclin sur lequel la droite avait lancé notre pays.

Déclin moral d’abord. La passion a souvent divisé la France ; les 5 dernières années ce sont les tensions qui l’ont minée, fatiguée, privée de ressort alors que la crise appelait le rassemblement, la mobilisation, la détermination.

L’héritage de la droite ce n’est pas seulement l’affrontement permanent ou l’individualisme effréné comme seule boussole, c’est aussi le choix du déclin de tous pour protéger quelques uns.

Pourquoi diable faudrait il accepter des leçons de la part de ceux qui ont précipité notre pays, notre continent dans la folie dévastatrice de la finance reine, des marchés tout puissants et des oukases des agences de notation, alors même que nous devons apporter des réponses aux dérèglements nés de leurs excès ! Oui, la finance est utile, au service de l’industrie. Oui, les marchés existent, mais c’est parce qu’on n’a pas fixé clairement notre cap qu’ils ont imposé le leur. Celui de l’argent, de la spéculation, des intérêts à court terme.

C’est dans cet environnement tendu que se fera dans quelques jours la rentrée. Interrogations sur l’euro et sur l’Europe, croissance hésitante et déficits menaçants, sans même parler des conflits dont l’onde de choc nous atteint. Dans ce contexte, le rétablissement de la confiance est une exigence et l’austérité ne peut nous servir d’étalon politique.

Le contexte est dominé par l’incrédulité, l’instabilité et l’absence de solidarité. Nous devons y répondre par l’exemplarité, la responsabilité et la justice.

- A l’incrédulité, nous répondons par l’exemplarité. La crise appelle des efforts, elle impose des remises en question, elle exige de la constance.

L’exemplarité, c’est la nomination par François Hollande d’un gouvernement paritaire. C’était un engagement de campagne, il a été tenu.

L’exemplarité, c’est de ne pas augmenter son salaire de 170% quand les Français sont frappés par la crise. François Hollande a diminué ses revenus de 30%, ainsi que ceux des membres du gouvernement. C’était un engagement de campagne, il a été tenu.

L’exemplarité, c’est l’impartialité des membres du gouvernement et leur juste distance face aux puissances de l’argent. L’époque des cadeaux, des invitations privées ou encore des vacances en Tunisie aux frais du clan Ben Ali, cette époque là est révolue. L’ensemble des ministres a signé une charte de déontologie qui l’engage, aujourd’hui oui, mais aussi demain. L’exemplarité, elle s’inscrit dans le temps.

Elle est la source de la légitimité de l’action politique. C’est elle qui nous permet d’être crédibles.

- A l’instabilité, nous répondons par la responsabilité.

Notre responsabilité elle est celle que nous portons vis-à-vis du monde, parce que la France tient une place à part dans le concert des nations.

Le drame syrien mérite mieux que les commentaires d’un président retraité entre deux footings. Il mérite mieux que l’instrumentalisation qui en est faite par deux candidats à la tête de l’UMP. Ce sont les mêmes qui se pressaient sur l’estrade du défilé du 14 juillet 2008 dont l’invité d’honneur n’était autre que Bachar El Assad.

S’il suffisait de sauter dans un avion pour arrêter les guerres, le sarkozysme aurait du nous faire entrer à l’ère de la paix perpétuelle ! À quoi cela lui a t il d’ailleurs servi de jouer au petit télégraphiste lors de la guerre en Géorgie, sinon à imposer les conditions russes pour l’arrêt des combats ? La légitimité de la France tient aussi à son engagement au conseil de sécurité de l’ONU. Elle ne reste pas inactive pour autant, n’en déplaise aux diplomates de salon. Notre pays est en pointe pour apporter une aide humanitaire et sanitaire. Une réunion du Conseil de Sécurité présidée par la France se tiendra le 30 août à New York.

Notre responsabilité, en tant que socialistes, est historique vis-à-vis de l’Europe. Jamais les risques d’éclatement n’ont été aussi forts. La tentation de répondre en ordre dispersé est générateur de tensions et d’affaiblissement.

Depuis le 6 mai, la donne a changé. L’Europe a retrouvé la France. L’engagement de campagne de François Hollande en faveur d’un pacte de croissance, au-delà du pacte budgétaire qui ne peut suffire à lui seul, a été mis en œuvre par le président élu, accepté par nos partenaires et salué par le président Obama lors du G8. Pacte de croissance, taxe sur les transactions financières, feuille de route sur l’avenir de la zone euro : voilà ce que la France a obtenu et engagé. Les Français nous avaient donné mandat pour en finir avec les sommets de la dernière chance à répétition. Le temps des orientations durables est venu. Les engagements budgétaires non tenus depuis 10 ans ont fini par ruiner notre crédibilité politique.

La ratification rapide du traité complété du pacte de croissance s’impose. Sans hésitation. Pas parce qu’il résoudrait à lui seul tous les problèmes. Mais parce que ne pas le ratifier signerait la victoire définitive des marchés sur le politique. Je suis d’ailleurs frappée de voir que ce sont ceux qui contestent, à juste titre, un gouvernement des juges qui érigent la décision récente du conseil constitutionnel en décision politique. Cette décision n’est qu’un cadre juridique, à nous d’y inscrire une volonté politique.

Nous avons absolument besoin de convergence en Europe. Nous avons absolument besoin d’un Engagement fort pour l’emploi. La régulation budgétaire est une nécessité, si nous voulons éviter la soumission au libéralisme,  si nous voulons conquérir des marges de manœuvre pour agir. Mais elle ne suffit pas à marquer le cap du redressement, qui passe par le renforcement de nos entreprises.

La responsabilité, c’est donc aussi le défi de la compétitivité, c’est à dire celui de la place des entreprises, de la qualité et de l’innovation de nos produits. L’exigence sociale qui est la notre ne peut se comprendre ou se décliner comme un acte de défiance à l’égard des entreprises. Qui peut ignorer qu’il n’y aura pas d’emploi sans entreprises fortes ? Qui peut imaginer le développement de notre pays sans innovation, sans recherche, sans ce tissu de PME locales qui font vivre nos régions et sont bien loin d’avoir bénéficié des largesses fiscales du précédent gouvernement ?

La gauche n’est pas l’ennemie des entreprises. La gauche combat l’exploitation, les injustices, les comportements irrespectueux ou scandaleux. Aux entreprises, aussi, de montrer qu’elles ont prêtes à s’engager pour l’innovation, la croissance, l’emploi.

C’est dans cet esprit d’exigence productive que s’engage notre politique.

La compétitivité, c’est une stratégie économique claire et cohérente. Nos entreprises ont besoin de stabilité et de perspectives à long terme. 700 000 emplois industriels détruits en 10 ans, voilà ce qui arrive quand aucune stratégie n’est mise en place. Depuis 10 ans, aucun grand champion européen de l’industrie n’a vu le jour. Le renforcement de la compétitivité passe par l’accompagnement des entreprises par les pouvoirs publics à condition qu’elles s’engagent elles-mêmes dans des stratégies de redressement. La BPI mettra un terme au règne sans partage des stratégies de court terme dont le seul objectif est la satisfaction immédiate des exigences des marchés. C’est le sens de l’action du ministre de l’économie et des finances, Pierre MOSCOVICI.

Le coût du travail, abondamment évoqué, n’est pas un enjeu mineur. Je ne crois pas qu’il soit, aujourd’hui, l’enjeu majeur de notre compétitivité. Pour autant, il ne saurait y avoir de tabou à ce sujet. Mais puisque le débat porte sur le niveau des cotisations sociales liées au travail, c’est à partir du niveau souhaité de protection sociale que nous devons raisonner. Aucun choc de compétitivité n’est acceptable s’il se transforme en choc social. Mais aucune garantie sociale n’est durable si on n’en consolide pas le financement.

Le redressement s’inscrit dans la durée. Il est indissociable de l’exigence de justice. La ou menace l’absence de solidarité, nous répondons par la justice.

La justice, ce n’est évidemment pas seulement la question sociale. Elle passe par l’école, la culture, la sécurité aussi. Le désordre public ne permet pas l’ordre social. Le désordre public mine l’exigence sociale aussi sûrement que la violence opprime les plus faibles.

Mais sans exigence sociale, il n’y a pas de politique de gauche.

La justice sociale  c’est même l’ADN de la gauche, parce qu’elle impose de bousculer les immobilismes, les conservatismes, parce qu’elle impose d’être à l’écoute des attentes, des bouleversements de la société.  À la montée des individualismes, aux changements du monde du travail, à la pauvreté,  au vieillissement de la population, nous ne réagissons pas  en inventant de nouvelles assurances privées, nous répondons en réinventant l’Etat social. Quand la droite prétend que la crise nous oblige à moins de social, nous affirmons que la crise nous impose plus d’efficacité sociale.

C’est de la Libération que nous vient la sécurité sociale, cette belle et grande idée ! C’est le rassemblement et la cohésion d’hommes et de femmes qui s’étaient élevés contre l’anéantissement de la démocratie qui ont fait de la solidarité le premier rempart contre la dislocation du pays. Pour les fondateurs glorieux de la sécurité sociale, il s’agissait d’aller au-delà de la seule justice sociale pour mieux garantir la cohésion démocratique.

Alors, en temps de crise nous avons plus que jamais  besoin d’un État social affirmé, pour prévenir toutes les fragilités, pour endiguer tous les égoïsmes. Et l’on voit bien comment, à sans cesse mettre en cause les politiques sociales, on joue avec le feu des extrémismes. Les soi-disant rénovateurs  de la pensée sociale de la droite qui ont choisi de faire de la dénonciation de l’assistanat le fer de lance de leur contribution allument l’incendie qui fera partir en fumée leurs ambitions.

Ce débat est dangereux en plus d’être indigne, car il est indigne de dire à un chômeur, alors que les emplois se détruisent par milliers, qu’il est responsable de ne pas trouver de travail ; il est indigne de dire à un malade qu’il est responsable de sa maladie ; il est indigne de dire à la mère de famille seule qu’elle ne mérite pas d’être soutenue et accompagnée  !

A charge pour nous de bâtir un nouveau compromis social, qui garantisse à chacun de se sentir soutenu, qui permette à nouveau aux jeunes générations d’avoir confiance dans l’avenir, qui réalise le rassemblement des générations et des Français. Car l’Etat social n’est pas celui des déshérités, il est celui de tous les Français.

Pour cela, je le dis sans hésiter,  la gauche ne doit pas se laisser voler ce beau thème du travail, car l’histoire de la gauche est intimement liée à l’histoire du travail. Le travail est la première des protections. Le travail, c’est le cœur de la promesse républicaine, qui veut en finir avec les privilèges. La reconnaissance du travail est un héritage de la gauche et du socialisme.

Je ne crois pas au partage du travail, encore moins à la fin du travail. Je crois au travailler mieux. Nous voulons que le travail émancipe, pas qu’il asservisse, que le travail protège, pas qu’il précarise, qu’il valorise, pas qu’il marginalise. Le combat de la gauche est bien celui-là. C’est à l’évidence une préoccupation de tous les instants pour le gouvernement.

C’est aussi  parce qu’elle est intimement liée à la question du travail, que la question des retraites est à ce point sensible. Ce sera l’un des enjeux importants de l’année qui vient. Le COR va revoir ses projections démographiques dans les prochains mois, et réfléchir en particulier à la situation des femmes, dont la retraite est de 40% inférieure à celle des hommes ; et à la manière de prendre en compte la pénibilité. Je mettrai en place un comité de sages, chargé d’élaborer des pistes d’évolution possibles à partir du début 2013, y compris pour le long terme. Il nous faudra avancer, à partir de là, dans le courant de l’année. Avec esprit de justice et de responsabilité.

Ce n’est pas ici que je vais surprendre en disant que contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, il y a de bien petites retraites ! Il faut donc assurer le niveau des retraites dans la durée, sinon les jeunes générations se laisseront éblouir par le mirage des fonds de pension. La retraite par répartition doit être consolidée, c’est notre responsabilité collective.

Nous vivons plus longtemps, c’est un fait, et nous vivons même plus longtemps en bonne santé. Mais pas tout le monde ! Comment ne pas tenir compte de ce qu’un ouvrier a une espérance de vie de 7 ans inférieure à celle d’un cadre supérieur ? Et que son espérance de vie en bonne santé est de 10 ans plus courte ! Les parcours de vie, de travail ne sont pas les mêmes pour tous ! Les conditions de départ en retraite n’ont aucune raison d’être les mêmes pour tous ! Oui, nous vivons plus longtemps et nous ne pouvons l’ignorer. La durée de travail est ainsi un critère plus juste que le seul critère de l’âge.

Consolider notre système de retraite, pour qu’il soit plus juste, mais aussi réorienter notre système de santé. Nous devons dépenser moins et soigner mieux. Je peux vous dire que notre système est salué, à l’étranger ! Il nous faut donc l’adapter pour le maintenir.

Nous y consacrerons 4 milliards et demi de plus en 2013 par-rapport à 2012. C’est donc bien une priorité. Mais les dépenses doivent être réorientées car il ne suffit pas de dépenser plus pour être efficace. Le trou de la sécu n’a cessé d’augmenter, mais les déremboursements aussi. Et tout ça pour quoi ? Les dépassements d’honoraires deviennent insupportables, il n’y a plus de médecins dans certaines campagnes, mais aussi dans certaines villes, les urgences sont aux abois et les hôpitaux malmenés. Ce qui ne les empêche pas, comme dans les maisons de retraite, d’être disponibles quand il le faut, en alerte quand c’est nécessaire, comme en ces temps de canicule. Je voudrais ici rendre hommage au travail et à l’engagement de ces hommes et de ces femmes.

L’ambition pour notre politique de santé est immense, tant elle a été laissée en jachère ces dernières années. Partout où je vais, on me parle de santé. On me parle évidemment des déserts médicaux, de l’hôpital, des médecins qui vieillissent et des patients qui ne rajeunissent pas !  La santé c’est tout ça à la fois, mais c’est aussi la sécurité des médicaments, la canicule, la vie de tous les jours quoi ! Et parmi les priorités de mon action, il y a la nécessité d’une vraie politique de prévention, trop souvent oubliée : je ferai de la lutte contre le tabagisme, qui tue trop souvent, qui tue trop de jeunes, un engagement fort.

Mais ici, à Frangy, je veux d’abord vous  dire ma volonté de vous garantir à vous, comme à tous les Français, que vous pourrez trouver un médecin à proximité de chez vous. Les déserts médicaux, ici, on sait ce que c’est. François Hollande s’est engagé à ce que personne ne se trouve à plus de 30 minutes de soins d’urgence. Le travail s’engage,  avec les urgentistes, et nous devrons apporter les réponses appropriées à chaque territoire, qui ne sont pas les mêmes partout. Les premières implantations interviendront dès le début de l’année prochaine.

Mais il n’y a pas que les soins d’urgence. On ne peut pas continuer avec un système dans lequel les médecins de proximité disparaissent, les hôpitaux sont saturés, et les dépassements d’honoraires démultipliés. C’est pour cela que j’ai lancé une négociation sur les dépassements, qui va s’engager début septembre. J’ai confiance dans le sens des responsabilités des professionnels. Mais je le dis, le gouvernement n’hésitera pas, lui, à prendre les siennes si aucun accord ne pouvait être trouvé qui interdise les dépassements abusifs et permette de trouver des consultations à un tarif opposable.

Dans quelques semaines, je mettrai aussi en place une expérimentation qui permettra de redonner confiance dans la médecine de proximité, en valorisant le travail d’équipe dans les maisons de santé par exemple, en mettant fin à la seule tarification à l’acte pour valoriser la rémunération forfaitaire, qui permet de renforcer la prévention, en mettant en avant la coordination entre les professionnels : je ne suis pas certaine qu’il faille être médecin pour tout ce qui aujourd’hui dépend d’eux !  Les premières décisions seront prises dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, à l’automne ; je proposerai ensuite que l’on expérimente cette réorganisation dans une ou deux régions, pendant un an. Pourquoi pas la Bourgogne ? Dans le même temps, les études de médecine devront imposer des stages, dans les déserts médicaux : pourquoi voulez vous qu’un jeune médecin, formé à l’hôpital pour l’hôpital, ait l’idée de s’installer ici, dans la Bresse ?

La santé c’est évidemment aussi l’hôpital public, injustement malmené par le pouvoir précédent. Ce n’est faire injure à personne que de dire que le rôle et la place de l’hôpital public sont particuliers et doivent être reconnus comme tels alors que la droite à purement et simplement supprimé toute référence à l’hôpital public, dans la loi ! Il faudra la changer, cette loi ! Il ne s’agit pas de tout faire faire à l’hôpital ! Dans notre pays, on va trop souvent et trop longtemps à l’hôpital, surtout si on est une personne âgée. Il vaut mieux rester chez soi, parfois, être suivi et soigné dans sa maison ! C’est plus confortable et en plus cela permet des économies !

Mais l’hôpital doit se sentir soutenu : je l’ai dit à l’ensemble des organisations syndicales que j’ai reçues. Je veux rendre sa fierté et sa confiance à l’hôpital. C’est pour cela que j’ai proposé que des financements innovants, comme ceux du grand emprunt, permette de construire les hôpitaux de l’avenir ; c’est pour cela que les nouvelles technologies doivent être développées ; c’est pour cela que je vais lancer des concertations sur un pacte de confiance pour l’hôpital, qui examine notamment les conditions de travail, l’évolution des carrières…

La retraite, la santé, le 3ème défi tient un peu des deux, il est celui de l’accompagnement du vieillissement de la société. Parce qu’on n’est pas responsables de sa vieillesse, nous ne pouvons laisser les familles affronter seules les conséquences du vieillissement et de la perte d’autonomie. Le débat à été lancé, une loi nous a plusieurs fois été annoncée. Il est temps d’avancer. Mais le vieillissement de la société ne se limite à cette dernière étape de la vie, et nous devons engager un mouvement qui permette aux logements d’être mieux conçus, aux transports d’être mieux adaptés, aux seniors d’être mieux accompagnés. Adaptation du cadre de vie, prévention de la perte d’autonomie et, bien sur, meilleure prise en charge de celle-ci lorsqu’elle survient. Nous ne proposons pas de nous en remettre aux assurances privées : c’est une nouvelle aile de notre protection sociale qu’il faut construire, à partir des principes de solidarité qui la fondent.

Derrière tous ces sujets, il y a aussi une exigence de dignité. C’est au nom de la dignité que l’on doit répondre au vieillissement de la population. C’est au nom de la dignité, qu’on doit continuer à soigner sans demander au malade sa carte bleue, c’est au nom de la dignité que l’on doit pouvoir être soigné partout.

Et c’est au nom de la dignité que le Président de la République a souhaité que s’engage un débat sur la fin de vie, à tout âge, car il n’y a malheureusement pas d’âge pour être confronté à la maladie, à la mort, à la déchéance parfois. Le débat n’est pas facile, il doit être mené sereinement, et le sujet est trop grave pour le voir traité de manière idéologique. Ce n’est pas une affaire pour ceux qui sont toujours pétris de certitudes. Chacun y a réfléchi, chacun a pu être confronté à la souffrance d’un proche, parfois l’angoisse de voir la maladie peu à peu retirer toute dignité. Nous verrons où nous mène le débat, ma conviction est que nous ne devons pas craindre de le mener, et d’entendre les aspirations qui s’expriment à plus de dignité.

Retraite, santé, vieillissement : et le trou de la sécu, me direz- vous ? À l’évidence, nous ne pouvons éviter de faire évoluer le financement de la protection sociale, qui pèse aujourd’hui  principalement sur le travail. Les organisations syndicales ont toutes accepté d’ouvrir la discussion, sans tabou. Le haut conseil pour la protection sociale sera installé en septembre, il fera part de ses analyses au plus tard début 2013. Et là encore il nous faudra avancer, vite. Déjà, le collectif budgétaire de cet été a engagé des changements. Parce que réformer le financement de la protection sociale, c’est aussi l’élargir à d’autres sources que le travail. On ne peut pas d’un côte dire que les prélèvements sur le travail sont trop lourds, et de l’autre refuser la mise à contribution des revenus du capital !

Plusieurs pistes s’ouvrent à nous, aucune aujourd’hui n’est privilégiée ou retenue. Il est normal de se demander si une taxe écologique ne serait pas utile alors que l’impact de l’environnement sur notre santé est chaque jour confirmé. Il est normal que l’industrie pharmaceutique et l’industrie du tabac contribuent à la politique de santé, alors que 73000 personnes par an meurent à cause du tabac, ce qui coûte 18 milliards d’euros à la sécurité sociale. Il est normal de garantir durablement l’adaptation de notre modèle social sans mettre à contribution le seul travail.

Garantir la sécurité sociale, c’est lui garantir un financement juste, stable et durable.

Chers amis, merci de votre accueil, de votre écoute sous ce soleil de plomb. Merci de votre engagement surtout, de votre soutien. Car nous avons besoin de vous, de votre confiance et de votre amitié pour avancer, résolument, sur la voie du changement. »