PLFSS 2013, dépassements d’honoraires : interview de Marisol TOURAINE au quotidien Métro

(CC Photo : Nicolas Richoffer / Metro)

Marisol TOURAINE a été interview par Flore GALAUD, journaliste au quotidien Métro, au sujet du PLFSS 2013, la négociation sur les dépassements d’honoraires…

Vous pouvez lire l’interview sur le site de Métro en cliquant ici ou ci-dessous.

« Marisol Touraine, une ministre « confiante et combative »

Journée mondiale contre la douleur lundi, projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 (PLFSS) examiné mardi à l’Assemblée, fin des négociations sur les dépassements d’honoraires mercredi… A l’aube d’une semaine chargée et décisive pour elle, Metro a pu rencontrer la ministre de la Santé Marisol Touraine pour faire le point sur ses différents chantiers.

Ce lundi se tient la journée mondiale contre la douleur. Cette question est-elle une priorité pour votre ministère ?

C’est un véritable enjeu de santé publique. Il y a déjà eu en France trois plans anti-douleur (le premier date de 1998, ndlr), et pourtant, cela n’a pas été suffisant. Nous avons évalué ce qui a déjà été fait. Ce qui en ressort pour l’instant est que la question de la souffrance à domicile a jusqu’ici été négligée. C’est pourquoi ce lundi, je me rends dans un SSIAD, un service de soins infirmiers à domicile, dans le XIIe arrondissement de Paris, pour en parler.

La difficulté principale restant celle d’identifier la douleur…

Face à la douleur, nous nous fixons trois défis : mieux évaluer, mieux orienter et mieux traiter. Mieux évaluer une douleur, d’abord, c’est difficile car terriblement subjectif. J’ai demandé la mise à disposition dans toutes les pharmacies de petites réglettes, qui permettent d’évaluer la douleur et qui sont jugées efficaces par les professionnels de la santé. Mieux orienter, avec un annuaire des centres de références «douleur » qui sera très prochainement mis en ligne afin que chaque personne puisse trouver une réponse ou des conseils à côté de chez lui. Cela aidera d’ailleurs les professionnels de proximité à mieux traiter, enfin, parce qu’aujourd’hui, dès lors que vous n’êtes pas à l’hôpital, vous êtes souvent livré à vous-même.

Autre actualité vous concernant : le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 (PLFSS), qui va être examiné ce mardi à l’Assemblée. Nombreux sont ceux qui le fustigent. Comment abordez-vous ce passage à l’Assemblée ?

Je suis confiante et combative car c’est un bon et grand budget pour la Sécurité sociale, en rupture avec la politique précédente. C’est un budget qui a trois priorités : mieux protéger les Français, moderniser notre système de soins et redresser les comptes publics. Nous avons pris des engagements forts : pas de déremboursement, priorité à la santé, le remboursement à 100% des IVG, la retraite à 60 ans pour les travailleurs de l’amiante, l’expérimentation d’une avance de frais pour les ménages modestes employant une assistante maternelle… Il y a là un ensemble de mesures qui montrent une volonté de garder le cap d’une protection sociale forte. Face à la crise, nous devons garder cette exigence de protection.

Dans ce projet de loi, vous vous attaquez également à l’épineux problème des déserts médicaux…

Nous avons déjà pris deux mesures fortes. La première : la prise en compte dans la rémunération du travail en équipe des soignants (médecins, kinésithérapeutes, infirmières). La seconde, la création de 200 contrats pour les médecins libéraux, proposés à des jeunes professionnels qui choisiront de s’installer dans les zones qui manquent de médecins. Ils prendront le relais de médecins sur le point de partir à la retraite, et une rémunération leur sera garantie. Et d’autres mesures seront annoncées dans les prochaines semaines, comme notamment les stages médicaux et le soutien administratif à l’installation.

La semaine dernière, un mouvement de fronde, similaire à celui des entrepreneurs « pigeons », a été lancé par des médecins pour réclamer notamment la revalorisation de leurs honoraires. Ce mouvement vous semble-t-il représentatif ?

Qui sont ces pigeons qui ont si peur de se faire plumer ? Des chirurgiens esthétiques qui revendiquent la possibilité de pratiquer les tarifs qu’ils veulent et où ils veulent. Les Français se sentent-ils concernés par les états d’âme des chirurgiens esthétiques ? Je n’en suis pas certaine. Je ne pense pas que la majorité des médecins se reconnaisse dans ces pratiques-là. Franchement, il y a une forme d’indécence à dire « nous, nous ne voulons aucune contrainte », à un moment où les Français traversent une crise, où certains vont jusqu’à renoncer aux soins médicaux.

En juillet, Metro vous avait rencontrée pour le coup d’envoi des négociations entre syndicats de médecins et assurance maladie concernant les dépassements d’honoraires. Avec cette volonté de faire cesser les abus avant la fin de l’année sous peine de sanctions. Plus de trois mois après, où en sont ces discussions ?

Nous arrivons au bout du processus mercredi. Beaucoup de sujets ont été abordés. Je souhaite évidemment que la négociation aboutisse. Mais en cas d’échec, je présenterai un amendement à la loi, car il y a un objectif auquel je ne renoncerai pas : que chaque Français puisse trouver près de chez lui un médecin à un tarif acceptable.

Ces dernières semaines, le « Guide des médicaments inutiles », qui assure qu’environ 1 médicament sur 2 est inutile, a suscité de vives réactions, y compris dans le milieu médical…

Je ne suis pas certaine que les amalgames auxquels se sont livrés les auteurs de cet ouvrage soient une bonne chose. De nombreux autres médecins s’en sont d’ailleurs émus. Mais il est vrai qu’en France, on prend trop de médicaments et que l’on en prescrit trop. Il faut que les pouvoirs publics garantissent des informations fiables, claires et transparentes sur les médicaments qui existent. C’est pourquoi je travaille à la mise en place dans les prochains mois d’un service public d’information sur les médicaments. Nous aurions ainsi un site Internet avec l’évaluation de tous les médicaments. A terme, je suis favorable à la mise en place d’un service public plus général d’information sur le système de santé.

Autre sujet brûlant : la procréation médicale assistée (PMA) pour les couples d’homosexuelles, qui donne lieu à une bataille au sein du gouvernement entre Christine Taubira (Justice) et Dominique Bertinotti (chargée de la Famille). La première entend en effet séparer cette question du débat sur le mariage homosexuel, la seconde est favorable à une réforme rapide et large. Quelle est votre position ?

Il est normal que les opinions s’expriment. Une grande majorité de Français est favorable au mariage pour tous. A partir de là, la vraie question est : comment passe-t-on du mariage à la conception d’une famille ? Les inquiétudes qui s’expriment – comme sur l’adoption et la PMA – sont révélatrices des doutes qui existent actuellement sur la famille en général. La famille n’est plus aussi simple qu’avant. Je suis personnellement favorable à ce que la PMA soit accessible à tous. Mais faut-il le faire d’emblée ? Donner le temps du débat peut permettre de réfléchir en terme d’éthique, de bioéthique. Mais la question ne doit à aucun moment être considérée comme taboue.

Propos recueillis par Flore Galaud »