PLFSS 2013 : présentation du projet de loi en séance par Marisol TOURAINE

L’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 a débuté mardi 23 octobre 2013 à l’Assemblée nationale.

Marisol TOURAINE est intervenue à cette occasion pour présenter ce PLFSS 2013. Vous pouvez lire l’intégralité de son discours ci-dessous.

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (nos 287, 302, 301).

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la présidente, madame la ministre déléguée chargée de la famille, madame la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, madame la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, monsieur le ministre délégué chargé du budget, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, monsieur le rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail, madame la rapporteure pour le secteur médico-social, monsieur le rapporteur pour l’assurance vieillesse, madame la rapporteure pour la famille, madame la rapporteure pour avis de la commission des finances, mesdames et messieurs les parlementaires, c’est pour moi un véritable honneur que de vous présenter aujourd’hui le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de gauche depuis dix ans dans notre pays.

Nicolas Sarkozy s’est présenté comme le Président de la rupture ; c’est en fait avec notre modèle de protection sociale qu’il a rompu.

La crise a justifié toutes les régressions : le précédent gouvernement s’en est servi pour masquer aux Français ses véritables choix politiques.

La double peine du sarkozysme aura été un recul des droits sociaux et un déficit record pour la sécurité sociale.

Recul des droits sociaux avec la réforme injuste des retraites, qui a frappé ceux qui ont commencé à travailler jeunes, et la limitation de l’accès aux soins : déremboursements, forfait à l’hôpital, franchises, taxes sur les mutuelles, explosion du niveau des dépassements d’honoraires, qui nous a amenés à engager une négociation dont je dirai un mot dans un instant. À chaque nouvelle mesure, c’est le niveau de protection de nos concitoyens qui a été affaibli. La facture sociale du dernier quinquennat, c’est un déficit cumulé de 90 milliards d’euros. Or, cette facture, ce sont les Français qui la paient : ils auront dépensé plus pour être moins bien protégés.

Notre projet de loi de financement de la sécurité sociale marque une inversion par rapport à la politique conduite ces dernières années. Les efforts porteront sur le système, et non sur les assurés. Les Français ont besoin de protection, et non d’incertitudes.

Nous assistons depuis plusieurs années à un inexorable délitement du lien social : repli sur soi, peur du déclassement, en particulier chez les classes moyennes, accroissement des inégalités, au premier rang desquelles les inégalités de santé. Plus que jamais, le Gouvernement veut réaffirmer le rôle central de la protection sociale dans le pacte républicain. Vous ne trouverez pas, dans nos rangs, de « déclinistes » ou de fatalistes, qui voudraient renoncer à notre modèle social. Dans le débat central sur notre compétitivité, je ne fais pas partie de ceux qui pensent que notre protection sociale serait un fardeau. Elle est, au contraire, une promesse de liberté. Les Français ne seront pas plus compétitifs en étant moins bien protégés.

C’est parce qu’on est bien protégé qu’on se projette dans l’avenir.

C’est parce qu’on est bien protégé qu’on ose prendre des risques.

C’est parce qu’on est soi-même bien protégé que l’on accepte de contribuer à la protection de tous.

Notre modèle social n’est ni un héritage ni un archaïsme. Notre responsabilité est de le préserver pour les générations futures. C’est pourquoi le texte que nous vous présentons aujourd’hui est un PLFSS de protection.

Protéger les Français, c’est, tout d’abord, leur assurer qu’ils pourront se soigner, quels que soient leurs revenus et leur lieu de résidence. Cette priorité donnée à la santé se traduit par une croissance de l’ONDAM fixée à 2,7 %. Ainsi, la santé des Français bénéficiera de 4,6 milliards d’euros de plus qu’en 2012 : 2 milliards de plus pour les soins de ville, dont la progression est strictement équilibrée avec celle de l’hôpital ; 1,9 milliard de plus pour les hôpitaux, qui ont tant souffert ces dernières années ; 650 millions d’euros de plus pour le secteur médico-social. Notre projet de loi prévoit des recettes nouvelles à hauteur de 1,5 milliard d’euros pour l’assurance maladie, grâce, notamment, à la mise en place de taxes comportementales et à la suppression de niches sociales.

Protéger les Français, c’est, ensuite, garantir notre système de retraites par répartition, qui est l’assurance du maintien d’un contrat générationnel. Ce projet de loi assainit donc nos régimes de retraite, fragilisés par la réforme de 2010. En 2013, 7 milliards de recettes supplémentaires permettront de ramener le déficit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse à 6,6 milliards d’euros, contre 10,2 milliards en 2012 si aucune mesure n’avait été prise. Une partie des recettes nouvelles bénéficiera au FSV et aux différents régimes. La cotisation instaurée sur les retraites viendra compléter le financement de la politique de lutte contre la perte d’autonomie.

Notre texte prévoit également de réparer les injustices dont sont victimes certaines catégories de retraités. C’est le cas des travailleurs de l’amiante, qui pourront prendre leur retraite à 60 ans, quel que soit leur régime, et des travailleurs non salariés agricoles, qui bénéficieront de points retraite gratuits en compensation des périodes d’invalidité et de maladie.

Vous le savez, l’année 2013 sera importante pour l’avenir de nos retraites. La consolidation des différents régimes inscrite dans ce PLFSS nous permettra de mener une concertation avec les partenaires sociaux, dont l’ordre du jour ne sera pas strictement financier.

Protéger les Français, c’est encore donner la priorité à la famille. Si la droite prétend souvent avoir le monopole de la défense de la famille, la vérité est tout autre. Nous demandons à être jugés sur nos actes, et nos actes parlent fort. Nous avons déjà augmenté de 25 % l’allocation de rentrée scolaire, qui bénéficie à des millions de familles. Dans ce projet, nous poursuivons notre soutien aux familles, en proposant d’instaurer le tiers payant des dépenses de garde d’enfant pour les familles modestes.

Les défenseurs de la famille ne sont donc pas ceux que l’on croit, ou qui se prétendent tels. Le précédent gouvernement avait retiré 350 millions d’euros aux familles ; entre le projet de loi de finances rectificative et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous vous proposons d’adopter 1 milliard d’euros de recettes supplémentaires pour la branche famille.

Protéger les Français, c’est également les assurer contre les risques liés au travail. La branche AT-MP présentera ainsi un excédent d’environ 300 millions d’euros en 2013, après avoir été déficitaire de 100 millions d’euros en 2012.

Protéger les Français, c’est, enfin, rendre réel et pleinement effectif l’accès aux droits. La prise en charge à 100 % des interruptions volontaires de grossesse est inscrite dans ce projet et je présenterai au nom du Gouvernement un amendement sur la gratuité des contraceptifs pour les mineures de quinze à dix-huit ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Notre projet défend le maintien des droits existants. Il propose même leur extension. Il ne s’agit pas seulement de répondre à des besoins sociaux en procédant à des adaptations ponctuelles. Nous devons conduire notre action dans la durée. Face aux évolutions profondes de la société, comme le vieillissement de la population ou le changement des pathologies, les attentes des Français ont changé. Notre devoir est donc de moderniser notre protection sociale.

Le premier pilier de cette modernisation, c’est une politique d’économies renforcée. On nous accuse volontiers, à droite, de procéder à des prélèvements nouveaux. C’est un comble de la part de ceux qui, en accolant le terme « sociale » à celui de TVA, avaient fait le choix de prélever plus de 10 milliards d’euros sur tous les Français.

Je veux donc leur répondre très directement que notre projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit 2,4 milliards d’euros d’économies, dont 1 milliard au titre d’une politique du médicament mettant en avant la substitution en faveur des génériques.

Dans le cadre de cette politique d’économies, mais aussi de réorganisation, il est important de rester vigilant quant aux pratiques des laboratoires. En maîtrisant les dépenses de médicament et en rationalisant les achats, 650 millions d’euros d’économies seront réalisées à l’hôpital. Le reste de l’effort portera sur la médecine de ville, avec la baisse des tarifs de certaines professions, davantage de maîtrise médicalisée et une meilleure organisation des parcours.

Je le répète, aucune économie ne se fera sur le dos des assurés sociaux.

Le deuxième pilier de la modernisation, c’est la diminution, à terme, du reste à charge pour les familles. Trop de Français ont renoncé à se soigner pour des raisons financières. Cette situation est inacceptable. Faire tomber les barrières financières, c’est permettre à chaque Français d’avoir accès à des tarifs opposables. Tel est le sens de la négociation sur les dépassements d’honoraires qui a été menée au cours de l’été et qui est en train de se conclure au moment où je vous parle. Nous sommes parvenus à un accord positif pour les Français, pour les patients, qui montre que, par la négociation, on peut réussir à faire prévaloir l’intérêt général sur les intérêts particuliers. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Le troisième et dernier pilier de la modernisation, c’est la réorganisation de notre système pour permettre à tous l’accès aux soins. Cette réorganisation consistera, d’une part, à revaloriser les missions de l’hôpital public et, d’autre part, à veiller à une meilleure organisation de la médecine de proximité. Il est temps de bâtir les parcours autour du patient et non plus des structures.

L’hôpital public est l’épine dorsale de notre système de santé. Nous reprenons, dans ce projet, plusieurs propositions du rapport sénatorial sur le financement de l’hôpital public, rendu dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale. Ce rapport, je tiens à le signaler à l’opposition, fut adopté à l’unanimité par la commission des affaires sociales du Sénat.

Nous avons fait le choix de réintroduire la notion de service public hospitalier dans la loi et de mettre fin à la convergence tarifaire, qui niait la spécificité des missions de l’hôpital public. Dans le même esprit, la tarification à l’activité ne sera plus le seul mode de financement de nos hôpitaux et nous protégerons les missions d’intérêt général en mettant fin à la pratique des gels de début d’année. Parallèlement à ce projet de loi, j’ai lancé, le 7 septembre dernier, un pacte pour l’hôpital, dont l’objectif est de renouer une relation de confiance avec l’ensemble de la communauté hospitalière.

C’est avec autant de détermination que notre projet réaffirme le rôle de pivot de la médecine libérale dans l’organisation de notre système de soins. Pour permettre à chaque Français de se soigner près de chez lui, nous engageons un combat contre les déserts médicaux – nous aurons sans aucun doute l’occasion d’en parler longuement au cours de nos débats. Cela se traduit très concrètement par la création, dès 2013, de 200 postes de praticiens locaux de médecine générale. Accéder à un médecin est parfois devenu un privilège ; cela doit redevenir un droit. Que les parlementaires qui ne voteront pas ce texte assument ce choix devant leurs électeurs, dans leurs circonscriptions ! Il nous faudra évidemment aller plus loin sur ce sujet, en permettant à chaque Français d’accéder en moins de trente minutes à des soins d’urgence et en mettant en œuvre des mécanismes d’incitation et d’attractivité pour que les professionnels viennent s’installer dans les territoires sous-dotés.

Pour faciliter la consultation d’un médecin de ville, l’organisation en équipes permettra d’accroître les horaires d’ouverture, de prendre en charge les demandes de soins dans des délais raisonnables et d’éviter tout passage inutile aux urgences. Ce PLFSS, en valorisant le travail en équipe, constitue une première étape de la politique que nous engageons pour les cinq prochaines années. C’est une nouvelle approche que nous initions, une approche fondée sur la confiance dans l’expertise des acteurs de terrain. Professionnels de santé, élus, associations : les compétences de chacun seront mises à contribution pour élaborer des parcours de santé pertinents.

Mesdames, messieurs les députés, ce premier PLFSS marque une inversion des priorités. La rigueur n’est pas un projet politique, c’est l’autre nom de l’austérité. Tel n’est pas le choix du Gouvernement. Pour moi, rétablir les comptes sociaux, c’est d’abord garantir aux Français qu’ils resteront protégés face aux aléas de la vie, que, lorsqu’ils vieilliront, lorsque surviendra la maladie ou l’accident du travail, notre protection sociale, leur protection sociale, sera là pour eux.

En adoptant ce texte, vous renouerez avec la justice sociale. Sans justice, aucun redressement n’est possible.

Il est juste de faire peser l’effort de redressement en priorité sur les Français les plus favorisés.

Il est juste de renforcer la protection de ceux, classes moyennes et familles modestes, qui en ont le plus besoin.

Il est juste de ne pas laisser la seule dette en héritage à nos enfants.

La justice est la seule exigence qui conduit l’action de ce gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)