Interview de Marisol TOURAINE au JDD.fr

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INTERVIEW DE LA SEMAINE – Alors que de fortes chaleurs sont annoncées, Marisol Touraine ne veut pas être alarmiste mais se dit « très vigilante ». En pleine concertation sur les retraites, la ministre de la Santé et des Affaires sociales demande à ce que la réforme ne soit pas « réduit à un enjeu financier ». Aux syndicats qui ont prévu de manifester à la rentrée, elle rappelle que « le contenu du texte n’est pas connu ». La ministre appelle aussi à « une mobilisation générale contre le tabac ».

Un épisode de canicule est annoncé ces prochains jours.  Le gouvernement a-t-il prévu des mesures spécifiques?
Je suis très vigilante. Le ministère fait un suivi quotidien en lien avec Météo France, les préfectures et les agences régionales de santé. Un dispositif de veille est maintenant automatiquement enclenché durant tout l’été. A ce stade, aucun département n’a été placé en état d’alerte. Mais quand on dit canicule, on pense spontanément aux personnes âgées. Il faut aussi rappeler que tous ceux qui travaillent à l’extérieur doivent se protéger lors des périodes de fortes chaleurs.

Dix ans après l’été meurtrier de 2003, il n’y a plus de risque?
Un dispositif existe, il a été éprouvé au cours des dernières années. Mais ce n’est pas parce qu’il y a un plan canicule efficace que la vigilance quotidienne, notamment du responsable politique, doit se relâcher.

Vous achevez un cycle de concertation avec les syndicats et le patronat sur la réforme des retraites. Quel premier bilan en tirez-vous?
La concertation se passe très bien. Nos discussions sont constructives, notamment sur les mesures de justice. Les pistes discutées sont considérées par tous comme pouvant apporter des avancées majeures. La réforme ne doit pas être réduite à un enjeu financier. L’enjeu principal, c’est de redonner confiance aux jeunes générations qui contribuent aux régimes mais qui s’interrogent sur les bénéfices qu’elles pourront en retirer le jour venu. Depuis des années, les Français entendent que tout va être enfin réglé, mais il faut tout reprendre trois ans plus tard. Nous devons en finir avec cette succession de réformes, qui a contribué à la défiance. Il est possible d’introduire des adaptations régulières, pour rendre le système durable, nous en parlons.

Ecartez-vous l‘idée d’une réforme qui mette fin à la défiance en unifiant, simplifiant et harmonisant tous les régimes?
L’objectif n’est pas de créer une nouvelle structure ou un régime unique. Nous devons garantir l’équité. Les Français doivent être assurés que les niveaux de retraites sont comparables, que le travail fourni permet de compter sur une pension digne et solide. Il ne faut pas engager la discussion en opposant les catégories les unes aux autres. Ceux qui le font ne sont pas dans une logique constructive. Ils appuient les divisions pour éviter les questions de fond.

Certains syndicats vous reprochent d’être muette au cours de ces rencontres…
Je ne crois pas. Je dis beaucoup de choses, j’écoute beaucoup. Je teste des idées, par exemple sur le pilotage des régimes dans la durée. Je présente les différentes options possibles, ils me disent ce qu’ils en pensent. Tout aura été mis sur la table. Et la concertation est loin d’être terminée.

La CGT et FO vont manifester le 10 septembre. Craignez-vous une forte opposition à votre projet?
Le contenu de la réforme n’est pas connu. Nous sommes en train de l’élaborer. Elle sera présentée aux partenaires sociaux à la rentrée. Chacun pourra mesurer à ce moment-là que nous avons voulu consolider notre modèle, par une réforme de gauche. Prendre en compte la pénibilité, améliorer la retraites des femmes, ce sera un progrès social majeur!

Un rapport préconise de lever l’interdiction pour les homosexuels de donner leur sang. Y êtes-vous favorable?
Il n’est pas souhaitable d’empêcher le don du sang sur la base de l’orientation sexuelle. En revanche, la pratique sexuelle est un critère dont il faut  tenir compte, qu’on soit homosexuel ou hétérosexuel. Comment garantir au receveur la sécurité du sang qui lui est transfusé? C’est la question. C’est pour cela que j’ai saisi le comité consultatif national d’éthique, dont j’attends l’avis dans les prochaines semaines.

Les prix du tabac ont augmenté lundi dernier. Vous vous dites déterminée à faire baisser la consommation. Comment?
La question du prix est un des enjeux, ce n’est pas le seul. Le tabac tue 73.000 personnes par an. Un jeune sur deux qui fume en mourra. Les données de santé publique sont dramatiques et incontestables. Simplement, on ne meurt pas du jour au lendemain, les maladies liées au tabac frappent progressivement. Il est difficile d’apprécier un risque lorsqu’il n’est pas immédiat. La difficulté est là. Nous devons mettre en place des politiques qui permettent de transformer le rapport au tabac. Dans dix ou quinze ans, lorsqu’on regardera en arrière, on se demandera comment on pouvait vivre ainsi.

Par quels moyens?
Il faut une mobilisation générale contre le tabac. Un logo rappelant la dangerosité du tabac pour les femmes enceintes va être apposé sur chaque paquet de cigarettes. Une aide au sevrage sera proposée, notamment aux jeunes. Il faut aussi instaurer davantage de lieux sans tabac. Je souhaite que des villes s’engagent dans cette voie par le dialogue et créent des espaces sans tabac, qui pourrait être des parcs, des cités universitaires, des plages, devant les écoles. Est-il normal que des mères, des pères ou des nounous fument dans un parc public où jouent les enfants? Je ne le crois pas. Le tabac tue, il n’y a pas de résignation à avoir par rapport à cela.

Le gouvernement renonce-t-il à agir en augmentant les taxes?
Il y a eu une hausse  qui s’inscrit dans le cadre d’une politique de santé publique plus générale. Est-ce que j’aurais souhaité une hausse plus importante? Oui. Pour autant, c’est une hausse significative. On ne peut pas réduire la politique antitabac à une politique fiscale.

Le compagnon de Cécile Duflot, Xavier Cantat, a-t-il eu tort de critiquer le défilé du 14 juillet?
(Silence) Faut-il qu’une ministre soit ramenée aux propos de son compagnon? Cela est choquant. Le comportement de certains, à droite, vis-à-vis de Cécile Duflot, a été indigne. Mais la meilleure réponse à ce tweet, c’est le rassemblement qui s’est opéré autour du défilé. Le 14-Juillet, c’est une fête. Celui-là, avec sa musique, ses chants, sa tonalité guinguette, était vraiment populaire. Des millions de Français qui se rassemblent, cette unité dans l’enthousiasme, voilà ce qui compte.

Allez-vous, comme l’a demandé François Hollande, rester près de Paris au mois d’août, pour être disponible?
Je partirai en Bourgogne quelques jours dans ma maison. J’irai peut-être deux ou trois jours à l’île d’Yeu, pour voir ma famille.

Avec des dossiers sous le bras?
J’ai un petit dossier en ce moment! (Rires) Evidemment, je vais partir avec mon gros dossier des retraites pour regarder, avancer, travailler mais être au calme, chez moi, tranquillement.

Certains ministres vivent plutôt mal le fait que le Président leur ait demandé des vacances studieuses. Est-ce votre cas?
Quand vous êtes ministre de la Santé, vous êtes soumis au risque d’une canicule, d’un accident, d’un virus. Les virus ne s’arrêtent pas aux jours fériés ni aux vacances. C’est une fonction qui, par nature, appelle une vigilance permanente.


Touraine vue par Marisol par lejdd