« Le tabac, notre responsabilité à tous »

Imaginez qu’un jour, en France, un drame fasse 200 victimes. Imaginez l’émoi, les Unes de journaux, le bruit médiatique, les appels unanimes à ce que « toute la lumière soit faite » et l’engagement du gouvernement à « tirer toutes les conclusions » de l’enquête pour que ce drame ne se reproduise « jamais ».

Imaginez maintenant le même drame, mais répété quotidiennement. 200 morts chaque jour. 73 000 morts chaque année. Cela parait presque surréaliste, mais c’est bien réel puisque c’est très exactement ce qui se déroule, aujourd’hui même, avec le tabac. Un fléau qui tue 20 fois plus de Français que les accidents de la route. Un fumeur sur deux meurt du tabac. Notre pays compte 13 millions de fumeurs adultes et la situation s’aggrave. Depuis 2005, le nombre de fumeurs augmente, principalement chez les femmes, les personnes en situation de précarité et les jeunes. Nous allons à rebours de nos voisins européens.

Pourquoi cette hécatombe nationale ne déclenche-t-elle pas de prise de conscience collective ? Pourquoi notre société ne parvient-elle pas à prendre toute la mesure de cet enjeu majeur de santé publique ?

La raison est simple : nous nous cachons derrière le paravent de la responsabilité individuelle. Le problème du tabac serait le problème du fumeur et de lui seul. Il est très pratique, après tout, de se dire que chacun est « libre » de faire ses choix. Chacun devrait assumer, seul face à sa conscience, les conséquences de ses actes. C’est le triomphe de la responsabilité individuelle.

Mais où est la responsabilité individuelle d’un enfant qui se laisse entrainer dans la spirale de la dépendance ? Comment peut-on parler de liberté au sujet d’un produit qui rend ses consommateurs dépendants ? Comment peut-on se résoudre à ce qu’un jeune de 17 ans sur trois fume tous les jours ? Qui peut sérieusement dire que seule la responsabilité individuelle est engagée alors que ce fléau coûte 47 milliards d’euros par an à notre société, dont 18 milliards pour la seule assurance maladie ?

Je veux le dire avec force, le tabac est un enjeu de société. Tous les Français sont concernés. Le Royaume-Uni a réussi à réduire le nombre de fumeurs en descendant sous la barre des 20% de la population adulte, alors que nous sommes à 30%.

Le Président de la République a décidé d’agir fermement sur cette question. Dans le cadre du Plan Cancer, il a demandé le lancement d’un programme national de réduction du tabagisme qui engage l’ensemble du gouvernement. Je l’ai présenté aujourd’hui, en conseil des ministres.

Notre objectif est ambitieux : nous voulons que les enfants qui naissent aujourd’hui soient la première « génération sans tabac ». Je sais que nous pouvons compter sur le soutien des Français pour empêcher le tabac de tuer demain les enfants d’aujourd’hui.

Il n’existe pas de mesure miracle face au tabac. Nous devons changer d’approche et adopter une série de mesures dans des domaines très variés. De la protection des enfants à l’aide à l’arrêt du tabac, en passant par la lutte contre la vente illicite de cigarettes sur internet. Le paquet neutre est une mesure parmi d’autres pour lutter efficacement contre le marketing de l’industrie du tabac qui amoindrit les avertissements sanitaires.

C’est par un ensemble d’actions coordonnées que nous réussirons à réduire le nombre de fumeurs. C’est en adoptant cette approche globale que le Royaume-Uni et l’Irlande ont obtenu des résultats.

C’est par un sursaut collectif que nous avons réussi à obtenir des résultats en matière de sécurité routière. C’est par un même sursaut que nous réussirons, tous ensemble, à obtenir des résultats contre le tabac.

Marisol TOURAINE
Ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.