La Sécu replongerait dans le déficit, sans que l’on connaisse encore l’ampleur de la rechute. Plusieurs milliards sans doute. Au moment où des besoins s’expriment avec force, par exemple dans les services hospitaliers d’urgence, il ne faut pas avoir l’obsession de l’équilibre : si le déficit annoncé résultait d’un grand plan hospitalier, je serais la première à applaudir.
Mais la vérité est toute autre : le Gouvernement choisit de fragiliser la sécurité sociale en ne lui compensant pas la baisse des cotisations sociales annoncées. A l’évidence, la fragilité de la croissance n’arrange pas les affaires des comptes sociaux, directement indexés sur l’activité économique : les créations d’emplois sont les meilleurs atouts de la sécu puisque chaque emploi créé fait rentrer des cotisations dans ses caisses. Les choix libéraux effectués jusqu’à maintenant ne donnent pas de résultats tangibles, et c’est préoccupant puisque le Gouvernement a dû revoir sa prévision de croissance significativement à la baisse ( 1,4% au lieu d’1,7%).
Mauvais choix économiques mais surtout, donc, mauvais choix politique : le Gouvernement continue de sacrifier la sécu en ne compensant pas les recettes qu’il lui supprime et ce faisant persiste dans une politique qui fragilise les comptes sociaux. Persiste, car c’est un choix effectué dès 2017, alors que la sécu avait été rééquilibrée : j’avais laissé la maison en ordre en juin, annonçant qu’il manquait 400 millions sur un budget de plusieurs centaines de milliards, et que les comptes seraient dans le vert à l’automne 2017. C’était sans compter sur le fait que, rompant avec la règle des années 2012-2017, les exonérations de cotisations sociales n’ont pas été intégralement compensées à l’automne 2017. Le Gouvernement a donc dès le début choisi de sacrifier le budget de la sécu pour éviter au budget de l’Etat de payer ce qu’il doit. Tour de passe passe, dira-t-on, mais qui marque bien les priorités actuelles, et qui s’est reproduit en 2018 et, donc, de nouveau cette année, pour atteindre des sommets puisque ce sont plusieurs milliards de recettes de la sécu qui ne lui sont pas versées.
Avant aussi, Bercy tentait régulièrement de ne pas payer son dû à la sécurité sociale : j’en avais fait une affaire politique, menant fermement la bataille, soutenue par les parlementaires de gauche et même certains de l’opposition.
A l’évidence le Gouvernement fait aujourd’hui un autre choix, et ce choix est dangereux. Dangereux parce que seule une situation stable permet des politiques sociales ambitieuses. Dangereux parce qu’à force de tout mélanger, comptes sociaux et budget de l’Etat, le gouvernement se donne la possibilité d’escamoter chaque fois un peu plus les ressources de la sécu. Dangereux enfin parce qu’à un moment où le discours dominant voudrait que la question sociale soit réglée et que seule demeure l’enjeu écologique ( au demeurant majeur), on souhaiterait plus de clarté dans les orientations retenues.
Pour toutes ces raisons, j’aimerais qu’au sein du gouvernement et de la majorité parlementaire des voix s’élèvent pour contester le choix de sacrifier la sécu et se battent pour que celle-ci conserve les moyens de ses politiques. Au moment où certains appellent à un rééquilibrage social de la ligne du Gouvernement, voici une occasion toute trouvée de le faire.
Mercredi dernier, le 28 mai, j’ai été élue présidente du Conseil d’Administration d’Unitaid, à Genève. J’assumerai cette fonction à l’issue du prochain Conseil, qui se tiendra à Séoul les 19 et 20 juin. Je suis heureuse et fière de cette belle responsabilité qui me permettra de porter des projets et des valeurs auxquelles je suis attachée : l’accès à la santé de tous partout dans le monde, grâce à l’innovation.
Unitaid, c’est l’agence de l’innovation en santé dans la galaxie des organisations internationales onusiennes qui s’occupent de santé globale, concrètement de l’accès à la santé dans les pays à faible revenu. Elle n’intervient pas directement auprès des populations : elle propose des procédures, des techniques ou des organisations innovantes aux organisations internationales et non gouvernementales qui interviennent sur le terrain, par exemple le Fonds Mondial, l’OMS, Médecins Sans Frontières. Sans Unitaid, l’action opérationnelle de ces acteurs de terrain serait plus longue, plus coûteuse, moins efficace. Unitaid est la facilitatrice e projets partagés. Pour Unitaid, l’innovation est ce qui permet de déployer à grande échelle des projets d’accès à la santé là où celui-ci est insuffisant.
Au départ, il s’agissait de combattre les trois grandes épidémies mondiales que sont le VIH-SIDA, la tuberculose et le paludisme en faisant baisser drastiquement le prix des traitements à destination des pays pauvres. Dans ce domaine, des progrès considérables ont été accomplis et le modèle d’Unitaid a fait ses preuves. C’est intéressant à analyser à un moment où le défi du prix des médicaments innovants concerne désormais les pays riches eux-mêmes.
Progressivement, le champ d’intervention d’Unitaid s’est élargi, à d’autres maladies, l’hépatite C par exemple ou le cancer du col de l’utérus, ou à d’autres innovations, par exemple des techniques nouvelles permettant que les traitements soient mieux suivis : l’innovation des injections de longue durée (long acting injection) est un pas important, puisqu’elles permettent de remplacer des mois de traitement (contre le sida par exemple) par une seule injection.
C’est ce travail qu’il faut aujourd’hui poursuivre, sans abandonner la priorité que constitue la lutte contre les trois pandémies mondiales. L’amélioration des organisations de santé, les nouvelles technologie ou une meilleure prise en compte des demandes de la société civile, peuvent permettre un meilleur accès à la santé des populations les plus éloignées des soins ou les plus vulnérables.
Unitaid, c’est l’innovation au service d’un projet éminemment politique : réduire les inégalités de santé, construire des sociétés plus justes et plus inclusives, faire reculer les discriminations.
Ce combat, a bien des égards, a été le mien comme ministre de la santé pendant 5 ans, de 2012 à 2017, même si notre pays offre parmi les meilleures prises en charge au monde. Garantir cette excellence à tous, combattre les obstacles financiers qui empêchent encore certains de se soigner, améliorer la santé des plus vulnérables, renforcer la démocratie sanitaire et mieux respecter la voix des patients ont été au cœur de mes priorités.
C’est pourquoi je suis heureuse de cette mission, qui me permettra de porter des valeurs et des projets auxquels je suis attachée.
Lire l’article paru sur le site du Figaro ci-dessous ou sur leur site en cliquant ici.
L’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine a été élue présidente d’Unitaid, organisation internationale qui vise à réduire le prix des médicaments pour des maladies comme le sida ou la tuberculose, a-t-elle annoncé mercredi sur Twitter.
Elle a indiqué qu’elle prendrait ses fonctions le 20 juin. Marisol Touraine, 60 ans, a été ministre des Affaires sociales et de la Santé de 2012 à 2017, sous la présidence de François Hollande. Hébergée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève, Unitaid a été créée en 2006. L’une de ses principales sources de financement est une taxe sur les billets d’avion. Grâce aux fonds collectés, cette organisation négocie des baisses de prix des médicaments en garantissant aux fabricants des volumes élevés et stables. Un autre ancien ministre français de la Santé, Philippe Douste-Blazy, a présidé Unitaid de 2007 à 2016.
Marisol TOURAINE a été interviewée pour le site Michelle : « Un peu de tenue(s) ! »
Vous pouvez écouter l’interview ci-dessous ou sur le site de Michelle en cliquant ici.
« Vous la trouviez froide ? Marisol Touraine est une Ministre qui ne vous racontera pas d’histoires : « j’ai en moi l’envie de donner l’image d’une femme en totale maîtrise, en politique c’était ma façon à moi d’être inatteignable, de me protéger ». Elle vous dit ça les yeux dans les yeux, sans esquive, sans naïveté. Le ton est donné.
Rien de ce qui touche les droits des femmes ne lui est étranger. Elle parle de féminicide, de l’incompréhension des mécanismes de la violence faite aux femmes. Elle rappelle : « la manière d’écrire et de nommer est profondément politique. Notre grammaire est l’expression d’un rapport de force, d’une domination qui est masculine ». Pour en finir avec la candeur effarouchée des traditionalistes du langage. En vous remerciant.
Le plus frappant, avec Marisol Touraine, c’est l’alliance d’une souveraine maîtrise d’elle-même et d’une sincérité sans crainte. Elle vous parle de ses choix. Elle ne renie rien de l’engagement, du plaisir, de la conquête. « Il y a autant de manière d’être une femme que de femmes. Je me sens femme jusqu’à la dernière des fibres qui me composent et ça a quelque chose à voir avec la liberté ». Pas l’ombre d’un cliché. Il est des formes de froideur qui vous ouvrent l’horizon. »
Affaire Lambert : «Peut-être que la loi est trop complexe», confie Marisol Touraine
L’ancienne ministre de la Santé estime que la loi Claeys-Leonetti, votée alors qu’elle était au gouvernement, est peut-être trop compliquée et qu’il faut mieux expliquer à la population l’importance des directives anticipées.
Ministre de la Santé au moment où l’affaire Lambert a véritablement éclaté, en 2013, Marisol Touraine siège aujourd’hui au Conseil d’Etat. Si elle se montre prudente, soucieuse de ne pas instrumentaliser cette histoire tragique, elle s’exprime en faveur d’une évolution de la loi sur la fin de vie.
La justice a ordonné la reprise des soins pour Vincent Lambert. Qu’en pensez-vous ?
MARISOL TOURAINE. Je suis très étonnée que la justice suive la position du comité de l’ONU. Le cadre juridique est pourtant clair et les médecins ont respecté la loi française telle qu’elle existe. Il est désormais souhaitable que la Cour de cassation se prononce. La vérité, c’est qu’il n’y a « d’affaire » Lambert que parce que la famille se déchire. J’ai le sentiment qu’au fond, certains cherchent à faire reculer les limites de la loi, à empêcher son application. Mais je ne juge personne. Je pense à Vincent Lambert. Il a le droit au respect et à la dignité, l’exposition extrême dont il fait l’objet, n’est ni humainement, ni éthiquement satisfaisante. Quant à l’attitude militante de l’avocat des parents, elle m’a choquée. (NDLR : « On a gagné », a-t-il dit, parlant de « remontada »).
Alors ministre de la Santé, vous aviez soutenu Rachel Lambert, l’épouse de Vincent. Est-ce toujours le cas ?
Être au gouvernement n’empêche pas de faire preuve de compassion et d’empathie. Aujourd’hui, je lui exprime à nouveau mon soutien. Ce qu’elle a ressenti lundi soir a dû être terrible. Je le dis en tant que femme, épouse et mère. Quand j’étais ministre, j’ai fait saisir le Conseil d’Etat par l’hôpital de Reims pour que les médecins sachent précisément ce qu’ils avaient le droit de faire ou non. Ensuite j’ai fait évoluer la législation pour introduire la sédation profonde, qui a d’ailleurs été utilisée lundi pour Vincent Lambert. Elle est devenue la loi Claeys-Leonetti. Mais aujourd’hui, peut-être est-elle encore trop complexe.
Faut-il encore faire évoluer la loi ?
Ma conviction, laissons à chacun le choix de sa fin de vie. Je suis pour la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie. Quelle loi, quel dispositif ? Évidemment, la discussion est ouverte. Non ce n’est pas simple, non ce n’est pas banal. La mort, qui est la chose la plus commune, doit garder son caractère singulier. J’insiste, ce débat ne doit pas se faire dans le cadre si tragique de l’affaire Lambert mais dans un contexte serein.
La France doit-elle enfin se positionner ?
Oui, la société le demande, elle est prête. L’acharnement n’est pas une bonne chose. Porter de l’amour à ses proches, c’est parfois savoir les laisser partir. L’affaire Lambert met aussi en lumière la nécessité de rédiger ses directives anticipées, pour faire connaître ses dernières volontés. La mesure doit être mieux expliquée à la population.
Je suis à l’assemblée mondiale de la santé, à Genève, pour défendre une approche inclusive de la santé grâce à l’innovation. L’innovation au service de l’accès de tous partout dans le monde à la santé.
Retrouvez ci-dessous l’article de La Nouvelle République qui revient sur la remise de la Légion d’Honneur à Marisol TOURAINE par François HOLLANDE. Vous pouvez également lire l’article sur le site de La Nouvelle République.
L’ancienne ministre et députée tourangelle a reçu la légion d’honneur, lundi 13 mai, des mains de l’ancien président de la République François Hollande. En présence de nombreuses personnalités.
Les honneurs pour services rendus. Marisol Touraine a reçu la Légion d’honneur des mains de François Hollande, lundi 13 mai, à la Maison de l’Amérique latine à Paris. Parterre d’invités fourni, dont Pierre Moscovici, Stéphane Le Foll, Michel Sapin, Gabriel Attal, Jean-Claude Mailly, des directeurs des mondes de la presse, de la culture, du social et de l’économie, de la finance. Et, aussi, des Tourangeaux dont Jean-Gérard Paumier, président du Département, et un de ses prédécesseurs, Frédéric Thomas…
La cérémonie s’est donc tenue sous le parrainage de l’ex-président de la République, qui a eu Marisol Touraine comme ministre des Affaires sociales et de la Santé. Celle-ci, mariée au diplomate Michel Reveyrand de Menthon, a bien sûr évoqué son passé de ministre, sa Touraine d’adoption aussi, ses actuelles fonctions officielles au Conseil d’Etat, ses racines au Chili (le pays de sa mère), sans oublier l’ancien premier ministre Michel Rocard qui lui a mis le pied à l’étrier…
François Hollande a profité de la cérémonie pour tirer un bilan social flatteur de son quinquennat, et dire qu’il ne fallait plus toucher aux retraites, comme aimerait le faire son successeur.
Devant des lycéens tourangeaux, l’ancienne ministre de la Santé est revenue samedi sur son parcours politique avant d’évoquer quelques sujets d’actualité.
Depuis les dernières élections présidentielles et sa défaite aux législatives en Indre-et-Loire, Marisol Touraine s’est faite très discrète sur la scène politique. L’ancienne ministre de la Santé a retrouvé les bureaux feutrés du Conseil d’État où elle épluche des projets de lois. Elle parcourt aussi le monde pour conseiller les pays en voie de développement dans le domaine social. A part ça, silence radio (ou presque) sur la situation hexagonale.
Samedi, l’ancienne députée du Lochois est sortie (un peu) de sa réserve pour répondre aux questions d’une quarantaine d’élèves du lycée Paul-Louis-Courier, à Tours. Durant deux heures, elle s’est livrée à un exercice subtil, alternant cours magistral de politique, commentaires d’actualité et confessions plus personnelles.
“ Macron ? Ça dépend des jours… ”
Concernant son engagement dans la vie publique, Marisol Touraine a rappelé les attaques « pas toujours très élégantes » dont elle a fait l’objet, dans un univers très masculin, lors de ses premières élections en Indre-et-Loire. « Lorsque vous êtes une femme en politique, il faut toujours penser que vous êtes légitime et y aller », a-t-elle insisté, visiblement revigorée. A ce propos, l’ancienne députée s’est dite préoccupée par « la défiance invraisemblable » qui s’exprime aujourd’hui à l’égard des élus. Elle y voit « un risque de violence » dictée par « la loi du plus fort ».
Actrice majeure du dernier quinquennat, l’ancienne ministre de la Santé est particulièrement fière du rééquilibrage des comptes de la Sécurité sociale et de l’instauration du paquet de cigarettes neutre. « Avec un million et demi de fumeurs quotidiens en moins, les résultats sont là », scande-t-elle.
Longuement questionnée par les lycéens sur la légalisation des drogues douces, elle s’est déclarée « assez ouverte » à l’éventualité d’une vente « encadrée » tout en évitant le piège : « Vous ne me ferez pas dire que le cannabis n’est pas néfaste pour la santé. »
Quant au réchauffement climatique (autre sujet cher aux lycéens), Marisol Touraine a saisi l’occasion pour rebondir sur l’actualité et commenter l’action du gouvernement. « La transition énergétique ne doit pas relever uniquement de décisions techniques et abstraites. Les politiques publiques doivent intégrer le quotidien des gens. La question environnementale ne peut pas faire abstraction du social. Si on oublie cela, ça donne les Gilets jaunes », a énoncé celle qui se dit toujours « socialiste de cœur ».
Mais, au fait, que pense-t-elle d’Emmanuel Macron ? « Ça dépend des jours et de ce qu’il fait », a répondu samedi Marisol Touraine, visiblement peu convaincue.
à suivre
Tours, cette “ belle endormie ”
Elle le dit elle-même : ces deux dernières années, Marisol Touraine s’est accordé « un moment de pause » en politique. Est-ce à dire que cet intermède s’achève et que l’ancienne élue s’apprête à faire son retour sur le devant de la scène ? L’intéressée évite de répondre clairement à la question. Elle se déclare préoccupée par l’avenir de la gauche. « On n’y arrivera pas seulement en collant des rustines. Il faut un cadre de pensée. » Certains la verraient bien postuler à la mairie de Tours aux prochaines municipales. « Il y a des gens très bien qui sont candidats potentiels », répond-elle en faisant directement allusion à Cathy Münch-Masset, vice-présidente du conseil régional. Au passage, Marisol Touraine n’épargne pas le maire actuel, Christophe Bouchet. « Il est insaisissable. Je suis assez perplexe quant à son projet pour la ville. On peine à voir les objectifs et la vision pour l’agglo », lâche l’ancienne députée qui craint que « Tours reste une belle endormie ».